siree, et ne pouvant concevoir
ou un enfant sans experience prenait l'energie de suspendre des
poursuites d'abord si vives, avait resolu de vaincre, et chaque jour
elle imaginait de nouvelles seductions. Cent fois elle le vit pret a
flechir, et tout a coup il s'arrachait d'aupres d'elle, emu, bouleverse,
mais n'ayant pas dit un mot d'amour. On s'en tenait a la sympathie,
a l'amitie. La vicomtesse, au milieu de ses plus delicieux abandons,
savait reprendre a temps son sang-froid, et se tirer des mauvais pas
ou elle s'etait risquee, avec une presence d'esprit admirable. Horace
voyait bien que, tout en se jetant a sa tete, elle conservait tous ses
avantages. Il attendait vainement qu'elle n'eut plus la possibilite
d'une arriere-pensee; et, quoi qu'il fit, au bout de trois semaines de
coquetteries effrenees, elle ne lui avait pas dit une syllabe qu'elle
ne put reprendre et interpreter en sens inverse, au premier caprice de
resistance qui lui passerait par l'esprit. Cette lutte miserable
le faisait horriblement souffrir, et cependant il ne pouvait s'y
soustraire. Il oubliait tout: il ne songeait plus a retourner a Paris;
il n'osait faire savoir a ses parents qu'il ne les avait quittes que
pour s'arreter a mi-chemin, et, pour ne pas les affliger par cette
preuve d'indifference, il les laissait en proie a l'inquietude
d'attendre en vain de ses nouvelles et d'ignorer ce qu'il etait devenu.
Quant a Marthe, il ne semblait pas qu'elle eut jamais existe pour
lui. Absorbe par une seule pensee, jouant avec stoicisme son role
d'insouciant dans la societe de la vicomtesse, s'entourant d'un mystere
sombre et bizarre dans ses tete-a-tete avec elle, et revenant chez
nous le soir, amer et taciturne, il etait devore de mille furies, et
poursuivait, en faiblissant peu a peu, l'apprentissage de roue auquel il
s'etait condamne pour ressembler au marquis de Vernes.
Apres avoir longtemps cherche le cote vulnerable de cette cuirasse
merveilleuse, la vicomtesse trouva enfin le joint: c'etait
l'amour-propre litteraire. Elle parvint a lui faire avouer qu'il etait
poete, et lui demanda a voir ses essais. Horace, n'ayant jamais rien
complete, eut ete bien embarrasse de la satisfaire; mais elle manifesta
pour le talent d'ecrire un tel enthousiasme, qu'il desira vivement
gouter le poison de ce nouveau genre de flatterie, et se mit a l'oeuvre.
Il y avait bien trois mois qu'il n'avait trempe une plume dans l'encre
pour coudre deux phrases ou deux vers
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