comte de
Meilleraie, qui ne prit de lui aucun ombrage, se confiant dans la
superiorite de ses belles manieres. Par malheur, le comte attribuait a
ces manieres une importance dont la vicomtesse ne faisait plus aucun cas
depuis douze heures. Horace etait cent fois plus aimable, avec sa tenue
etourdie et degagee, que le comte avec son dandysme et son dandinage. Ce
dernier mot fut celui dont elle se servit pour expliquer a Horace, qui
le lui demandait naivement, ce que signifiait litteralement le premier.
Malgre la fatigue de la journee, on veilla longtemps au salon; a minuit
on prit le the, et a deux heures du matin on causait encore avec
animation autour de la table chargee de fruits et de friandises
sur lesquels Horace faisait main basse sans ceremonie. Le comte de
Meilleraie, qui savait combien Leonie etait romantique (au point de
declarer que lord Byron, qu'elle n'avait jamais vu, etait le seul homme
qu'elle eut aime), se rejouissait de voir celui qui l'avait inquiete le
matin se presenter sous un aspect aussi prosaique. Il le bourrait de
patisseries et de confitures, enchante de voir la vicomtesse rire aux
eclats de cette voracite d'ecolier, et plein d'amicale gratitude pour
Horace, qui se pretait si bien a ce role d'homme sans consequence. Mais
la vicomtesse riait pour la premiere fois de sa vie sans ironie;
elle comprenait qu'Horace se devouait a la divertir pour etre admis,
n'importe a quel prix, dans son intimite. Elle l'avait entendu parler
mieux qu'aucun des hommes par lesquels il se laissait maintenant
plaisanter; elle l'avait vu a la chasse franchir des fosses et des
barrieres devant lesquels tous avaient recule, parce qu'il y avait en
effet dix chances contre une de s'y briser. Elle savait donc qu'il etait
superieur a eux tous en esprit et en courage. Avec ces avantages-la,
accepter le dernier role pour lui faire plaisir, c'etait, selon elle, un
acte de devouement admirable et la preuve d'un amour sans bornes.
XXVI.
Mais celui qui, apres elle, se laissa le plus gagner a l'apparente
bonhomie d'Horace, fut son antagoniste declare, le vieux marquis
de Vernes. Avec celui-la, Horace ne joua pas de role; il s'engoua
sur-le-champ de ce caractere de grand seigneur, de ces gravelures
princieres, et de cette insolence leste et brillante qui lui apportaient
un reflet des moeurs d'autrefois. Pour quiconque n'a vu les marquis du
bon temps que sur la scene, voir poser dans la vie reelle un echantillon
de cette r
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