e previns que mon cheval
etait un peu vif, et l'engageai a le traiter doucement. Ils partirent
en assez bonne intelligence; mais quand le cavalier fut sous le feu des
regards de la chatelaine, il ne tint compte de mes avis, et eut de rudes
demeles avec sa monture. La galerie remarqua qu'il ne savait nullement
gouverner un cheval.
"Vous montez en casse-cou, mon cher, lui cria familierement le comte
de Meilleraie, adorateur principal de la vicomtesse; vous vous ferez
ecraser contre la muraille."
Horace trouva la lecon de mauvais gout, et, pour prouver qu'il la
meprisait, il fit cabrer son cheval avec rage. Il etait hardi et solide,
quoiqu'il eut peu de lecons de manege, et sachant bien qu'il ne pouvait
lutter d'art et de science avec les ecuyers experimentes et pedants
qui entouraient la vicomtesse, il voulut du moins les eclipser par son
audace. Il reussit a effrayer la dame de ses pensees, au point qu'elle
le supplia en palissant d'avoir plus de prudence. L'effet etait produit,
et le triomphe d'Horace sur tous ses rivaux fut assure. Les femmes
prisent plus le courage que l'adresse. Les hommes soutinrent que c'etait
un genre detestable, et qu'aucun d'eux ne voudrait preter son cheval
a un pareil fou; mais la vicomtesse leur dit qu'aucun d'eux n'oserait
faire de pareilles folies et risquer sa vie avec autant d'insouciance.
Comme elle voyait fort bien que toute cette cranerie d'Horace etait en
son honneur, elle lui en sut un gre infini, et s'occupa de lui seul
tout le temps de la chasse. Horace l'y aida merveilleusement en ne la
quittant presque pas, et en montrant pour la chasse en elle-meme toute
l'indifference qu'il y portait. Il ne savait pas plus chasser que manier
un cheval, et comme il n'y eut fait que des fautes, il affecta un
profond mepris pour cette passion grossiere.
"Pourquoi etes-vous donc venu? lui dit madame de Chailly, qui voulait
provoquer une reponse galante.
--J'y viens pour etre aupres de vous," repondit-il sans facon.
C'etait plus que n'avait attendu la vicomtesse. Mais les circonstances
servaient bien Horace; car cette brusque declaration qu'il lui jetait
a la tete, et qu'un peu plus de savoir-vivre lui eut fait tourner plus
delicatement, sembla a celle qui la recevait l'effet d'une passion
violente et prete a tout oser. Cette femme, d'une beaute contestable et
d'un coeur problematique, n'avait jamais ete aimee. On l'avait attaquee
et poursuivie par curiosite ou par amour-propre. Jamais on
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