e, lui dis-je: ou il y aura des
revolutions violentes, et par consequent des conflits rapides et
energiques entre les citoyens, ou bien il y aura de longs debats de
paroles, une lutte patiente de principes, un progres sur, mais lent, ou
nous n'aurons rien a faire, vous et moi, qu'a profiter pour notre
compte des enseignements de l'histoire. C'est deja beaucoup, et je m'en
contente.
--Ce sera plus prompt que vous ne croyez, et pour ma part je compte bien
aider a l'oeuvre, soit par la parole, soit par les ecrits, si je puis
trouver une tribune ou un journal.
--En ce cas, vous n'hesitez pas a vous retirer de toute emeute, et
j'approuve votre fermete courageuse, car la tentation est forte, et
moi-meme qui ne puis y prendre part, j'ai souvent de la peine a y
resister.
--Oui, sans doute, ce sera un grand courage, dit Horace avec un peu
d'emphase; mais je l'aurai, parce que je dois l'avoir. Ma conscience
me fait d'amers reproches de m'etre laisse entrainer a ces projets
incendiaires; je lui obeis. Vous m'avez rendu un grand service,
Theophile, de m'avoir explique a moi-meme. Je vous en remercie."
Je ne voyais pas trop en quoi j'avais eclairci Horace sur un point
qu'il avait pose nettement des le commencement de l'explication; et, le
trouvant si bien d'accord avec lui-meme, j'allais le quitter, lorsqu'il
me retint.
"Vous n'avez pas repondu a ma question, me dit-il.
--Vous ne m'en avez point fait que je sache, repondis-je.
--Pardieu! reprit-il, je vous ai demande si quelqu'un de mes amis ou
de mes pretendus coopinionnaires, si Jean le bousingot, par exemple,
pourrait s'arroger le droit de me blamer en me voyant renoncer aux
folies de la conspiration emeutiere, pour rentrer dans cette voie plus
large et plus morale dont je n'aurais jamais du sortir.
--D'apres ce que vous me dites, je vois, repondis-je, que vous avez
commis une faute. Vous vous etes lie par des promesses a quelque
affiliation...
--C'est mon secret," reprit-il precipitamment. Puis il ajouta: "Je ne
connais ni affiliation, ni conspiration; mais Laraviniere est un fou, un
exalte, comme bien vous savez. Il n'en fait aucun mystere a ses amis,
et personne n'ignore qu'il est en avant dans toutes les bagarres de
faubourg. Vous devez bien pressentir que nous n'avons pas habite la
meme maison pendant plusieurs mois, sans qu'il m'entretint de ses reves
revolutionnaires. Dans un moment de desespoir de toutes choses et de
complet abandon de moi-meme, j'ai
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