ere.
--Sa mere! repondit Jean en levant les epaules; elle n'est pas plus
malade que vous et moi."
Il ne voulut pas s'expliquer davantage.
XXV.
Le cholera fit assez de ravages dans la ville voisine de nos campagnes;
mais il ne passa point la riviere, et les habitants de la rive gauche,
desquels nous faisions partie, furent preserves. Dans l'attente d'une
irruption toujours possible, je restai dans ma petite propriete, voyant
tous les jours la famille de Chailly, dont le chateau etait situe a
la distance d'un quart de lieue, et veillant avec sollicitude sur ma
vieille amie la comtesse, et sur ses petits-enfants dont elle etait
beaucoup plus occupee que leur mere, la merveilleuse vicomtesse Leonie.
Cette derniere, quoique fort bienveillante pour moi dans ses manieres,
me deplaisait de plus en plus. Ce n'est pas qu'elle manquat d'esprit, ni
de caractere. Elle avait certaines qualites brillantes a l'exterieur,
qui attiraient egalement les gens tres-affectes et les gens
tres-ingenus: ceux-ci, la prenant de bonne foi pour la femme superieure
qu'elle voulait etre, et ceux-la souscrivant a ses pretentions,
moyennant une convention tacite, passee avec elle, d'etre reconnus pour
hommes superieurs eux-memes. Elle avait a Chailly comme a Paris, une
petite cour assez ridicule, et meme plus ridicule qu'a Paris; car elle
la recrutait de plusieurs gentilshommes campagnards, elegants frelates
dont elle se moquait cruellement avec les elegants de meilleur aloi
qu'elle avait amenes de Paris. Ces pauvres jeunes gens du cru se
guindaient pour etre a la hauteur de son bel esprit, et n'en etaient
que plus sots; mais ils montaient a cheval avec elle, la suivaient a
la chasse, bourdonnaient sur sa piste; ou papillonnaient autour de son
etrier, sans s'apercevoir qu'ils n'etaient accueillis que pour faire
nombre au cortege, et afin que les femmes de la province eussent a dire,
avec depit, que la vicomtesse accaparait tous les hommes du departement.
[Illustration: Ils partirent en assez bonne intelligence]
La comtesse, habituee a la haute tolerance de la bonne compagnie, menait
une vie a part dans le chateau. Elle surveillait les enfants, les
precepteurs et gouvernantes, les travaux de la terre et l'ordre de
la maison. Alerte et vigilante, malgre son grand age, elle etait si
necessaire a l'indolente Leonie, qu'elle en obtenait des egards et des
gracieusetes ou l'affection n'entrait cependant pour rien. Le vicomte,
son fils, etait u
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