e et comme fletri, au debut
de ma carriere, par les souvenirs arrogants et les accusations stupides
de ces gens-la? Qu'en pensez-vous? Voila ce que je vous demande.
--Je vous repondrai, mon cher Horace, que tout est possible, mais qu'il
y a un moyen sur d'echapper a de pareilles accusations: c'est d'etre
logique, et de ne prendre part a aucune action violente, le lendemain
beaucoup moins encore que la veille. Vous etes philosophe comme moi, ou
revolutionnaire comme l'ami Jean. Il n'y a pas de terme moyen. Si vous
conservez vos reves d'ambition, vous avez besoin de l'opinion des
masses. Vous n'avez encore pour milieu qu'une coterie; il faut plaire a
cette coterie, marcher avec elle, et lui obeir afin de la convaincre, de
l'eblouir et de la dominer plus tard. Si vous pensez comme moi, que le
moment n'est pas venu pour les hommes serieux de voir realiser leurs
principes; si vous croyez (comme vous l'avez dit en commencant cette
conversation) que les entreprises ou l'on vous pousse compromettent la
cause de la liberte, il faut etre bien resolu d'avance a ne pas chercher
des avantages personnels dans un resultat inespere. Il faut remettre
votre carriere politique a des temps plus eloignes. Vous etes jeune,
vous verrez peut-etre arriver le triomphe de la civilisation par des
moyens conformes a vos principes de morale."
[Illustration: Elle se costuma en amazone.]
Horace ne me repondit rien, et revint avec moi tout reveur et tout
triste. En arrivant a ma porte, il me remercia de mes avis, les declara
logiques et rationnels, et me quitta sans me dire a quel parti il
s'arretait. Je partais le lendemain matin.
Dans la soiree, inquiet de la maniere dont nous nous etions separes, et
craignant qu'il ne se portat a quelque resolution dangereuse, j'allai
chez lui, mais je ne le trouvai pas, et M. Chaignard me dit de l'air le
plus gracieux:
"M. Dumontet est parti pour la province depuis une heure, il a recu une
lettre de ses parents; madame sa mere est a l'extremite. Le pauvre jeune
homme est parti tout bouleverse. Il m'a laisse la moitie de ses effets
en depot. Sans doute il reviendra dans peu de jours."
Je montai chez Laraviniere. "Avez-vous vu Horace? lui demandai-je--Non,
me dit-il; mais Louvet l'a vu monter en diligence d'un air aussi peu
afflige que s'il allait heriter d'un oncle, au lieu d'enterrer sa mere.
--Vraiment, vous le haissez trop, m'ecriai-je; vous etes cruel pour lui;
Horace est un bon fils, il adore sa m
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