croutes
et vains! S'il me fallait rester parmi eux trois mois entiers, je vous
jure que je me brulerais la cervelle."
Le fait est que les habitudes modestes, l'esprit de controle un peu
taquin, et l'obscurite un peu forcee des petites villes, etaient
inconciliables avec les gouts et les besoins que l'education avait crees
a Horace. Ses bons parents avaient tout fait pour qu'il en fut ainsi, et
cependant ils etaient naivement stupefaits du resultat de leur ambition.
Ils ne comprenaient rien aux enormes depenses de ce jeune homme qu'ils
voyaient si dedaigneux des plaisirs de leur endroit, le bal public, le
cafe, les actrices ambulantes, la chasse, etc. Ils s'affligeaient de
l'ennui mortel qui le gagnait aupres d'eux, et qu'il n'avait pas la
force de leur cacher. Son intolerance pour leur prudence en matiere de
politique, son mepris acerbe pour leurs vieux amis, son degout devant
les caresses et les avances des parents campagnards, sa melancolie sans
cause avouee, ses declamations contre le siecle de l'argent (avec de si
grands besoins d'argent), son humeur sombre et inegale, ses mysterieuses
reticences lorsqu'il etait question de femmes, d'amour ou de mariage,
c'etaient la autant de chagrins profonds et devorants pour eux, et
surtout pour la pauvre mere, qui voulait decouvrir en lui quelque cause
de malheur exceptionnel, inoui, ne voyant pas que les autres enfants de
sa province, eleves comme lui, maudissaient comme lui leur sort.
Quelques heures d'entretien avec Horace m'apprirent toute l'anxiete de
sa famille, tout l'ennui qu'il en avait ressenti, et tous les torts
qu'il avait eus, quoiqu'il ne me les avouat qu'en les presentant comme
des consequences inevitables de sa position. Il etait _obsede_ des
questions inquietes que son pere s'etait permis de lui faire sur ses
etudes et sur ses projets. Il etait _supplicie_ par les recommandations
et les instances de sa mere, relativement a son travail et a sa depense.
Enfin, apres avoir recrimine, declame, pleure de rage et de tendresse en
me peignant l'amour aveugle et inintelligent des chers et insupportables
auteurs de ses jours, il conclut a un besoin immodere de se distraire,
afin de secouer tous ses degouts, et il me demanda de le mener au
chateau de Chailly, ou il avait appris qu'une belle partie de chasse se
preparait.
Une heure apres, il fut invite par la comtesse elle-meme, qui vint, au
milieu de sa promenade, se reposer un instant chez moi, comme elle le
faisai
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