la tranquillite la plus docile, et c'etait la pour moi la
meilleure preuve que ces emotions n'etaient pas jouees; car dans le cas
ou il eut ete aussi grand acteur que Jean le pretendait, il eut menage
plus habilement le passage de la feinte a la realite. Laraviniere etait
impitoyable avec lui, comme les gens qui se gouvernent et se possedent
le sont avec ceux qui s'exaltent et s'abandonnent. S'il eut exerce les
fonctions de medecin ou d'infirmier, il eut vite appris qu'il est entre
les enfants et les fous une variete d'hommes a la fois ardents et
faibles, irritables et dociles, energiques et indolents, affectes et
naifs, en un mot froids et passionnes, comme je l'ai dit plus haut,
et comme je tiens a le dire encore pour constater un fait dont
l'observation n'est pas rare, bien qu'il soit communement regarde comme
invraisemblable. Ces hommes-la sont souvent mediocres, et ils sont
parfois d'une intelligence superieure. C'est en general l'organisation
nerveuse et compliquee des artistes qui presente plus ou moins ces
phenomenes. Quoiqu'ils s'epuisent a ce frequent abus de leurs facultes
exuberantes, on les voit rechercher avec une sorte d'avidite fatale
tous les moyens possibles d'excitation, et provoquer volontairement ces
orages qui n'ont que trop de veritable violence. C'est ainsi qu'Horace
faisait usage du delire et du desespoir, comme d'autres font usage
d'opium et de liqueurs fortes. "Il n'a qu'a se secouer un peu, disait
Jean, aussitot la fureur vient comme par enchantement, et vous le
croiriez possede de mille passions et de dix mille diables. Mais
menacez-le de le quitter, et vous le verrez se calmer tout a coup comme
un enfant que sa bonne menace de laisser sans chandelle." Jean ne
songeait pas qu'il y a a Bicetre des fous furieux qui se tueraient si on
les laissait faire, et que la menace d'un peu d'eau froide sur la tete
rend tout a coup craintifs et silencieux.
"Mais, disait-il, Horace fait tout ce bruit-la pour qu'on l'entende, et
quand personne ne se derange, il prend son parti de dormir ou d'aller se
promener." C'etait malheureusement la verite, et, sous ce rapport, le
pauvre enfant etait inexcusable. Ses crises lui faisaient du bien: elles
attiraient a lui l'interet, les soins, le devouement; et alors les
personnes qui lui etaient attachees faisaient mille efforts et
trouvaient mille moyens de le distraire et de le consoler. L'un le
flattait, et relevait par la son orgueil blesse; un autre le plaignait
et
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