oujours gemissantes rencontrent l'ombre eternellement
melancolique d'Abelard et que le grand erudit entende le sujet de leur
plainte, quel ironique sourire sur ses levres ou le nom sacre d'Heloise
brule encore, et quel regard de dedain dans ses yeux abaisses!
* * * * *
--C'est le Printemps! vous dis-je, ma chere! C'est le Printemps!
Et vous vous repeletonnez, frileuse, au coin du feu clair et ronflant,
comme une chatte, le dos sous votre belle chevelure denouee, les coudes
sur les genoux et les mains ramenees vers la flamme qui fait courir,
dans leur transparence delicate, de delicieux petits reflets roses. Et
je vous repete:
--C'est aujourd'hui le Printemps, mignonne! ne m'entendez-vous pas?
Alors vous fermez les yeux, sans toujours me repondre, et j'imagine que
mes paroles vous frappent l'oreille sans aller plus loin, comme un son
indecis, comme une romance lointaine dont les mots echappent et dont
l'air seul parvient jusqu'a vous, vague et mele dans le vent. Mais ces
melodies inconsciemment percues ont le don d'evoquer les visions et
les souvenirs. Vous fermez les yeux et c'est certainement pour vous
recueillir dans le reve des verdures renaissantes, des violettes bordant
les chemins, des brises pleines d'odeurs vivaces et douces, des longues
promenades sous le soleil tiede deja, de toutes les splendeurs en
boutons dont la Nature devait etre paree aujourd'hui, si mon almanach
n'avait effrontement menti! Vous ne revez pas tant que cela, mon ame. Le
Printemps n'est-il pas dans cette chambre chaude et pleine de fleurs ou
vous aimez a vivre en hiver? Le Printemps n'est-il pas partout ou vous
etes? Et ne pouvons-nous pas chanter la comme dans les bois, et chaque
jour, tant notre joie s'y renouvelle:
C'est la premiere du Printemps
Au theatre de la Nature!
[Illustration]
[Illustration]
MIMOSAS
Comment ne pas songer qu'ils viennent de la-bas ou la terreur et
l'effarement ont marque la fin des jours de gaiete carnavalesque,
ces beaux panaches de mimosas que les petites charrettes parisiennes
promenent et qui semblent verser une pluie d'or sur les roses alanguies
des marchandes ambulantes? Que la Nature est indifferente a nos miseres!
Tandis que la fourmilliere humaine s'eparpillait affolee, croyant
encore sentir le sol s'ouvrir sous ses pas, les fleurs, tranquilles,
s'epanouissaient dans la serenite du matin, sous cette premiere
blancheur de l'aube qui est comm
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