acite des sympathies de nos
braves insulaires pour ma famille, leur culte enthousiaste pour la
memoire de l'empereur, rendaient probable ma nomination. Devant l'espoir
fonde d'etre au nombre des elus du Peuple, appeles a constituer
definitivement la Republique, on comprendra que le service d'Afrique, en
temps de paix, et surtout dans un corps etranger, dut me paraitre
une condition secondaire. M. le lieutenant-colonel Charras, alors
sous-secretaire d'Etat au ministere de la guerre, voulut bien
m'autoriser a suspendre mon depart jusqu'a nouvel ordre. En effet, le
4 mai 1848, j'eus l'insigne honneur d'inaugurer avec mes collegues, en
presence de la population parisienne, l'ere parlementaire de notre jeune
Republique, et d'apporter a cette forme de gouvernement, qui avait ete
le reve de toute ma vie, la premiere sanction du suffrage universel.
Le coupable attentat du 15 mai, les funebres journees de juin, vinrent
nous attrister des les premiers travaux d'une assemblee, qui fut, quoi
qu'on ait pu en dire, une des plus dignes, et qu'on me passe le mot, une
des plus honnetes qui aient jamais honore le regime representatif. Le
23 juin, pendant la seance, Lamartine quitta l'Assemblee, pour faire
enlever une redoutable barricade qu'on avait etablie au-dela du canal
Saint-Martin, dans la rue du Faubourg-du-Temple. Il me permit de le
suivre, et comme je n'aurais pas eu le temps d'aller chercher mon
cheval, ou de le faire venir, il m'offrit un des deux qui l'attendaient
a la porte du palais legislatif. En compagnie du ministre des finances,
et de notre collegue Treveneuc, des Cotes-du-Nord, nous longeames les
boulevards, ou quelques rares piquets de gardes nationaux etaient sous
les armes. Au-dela de la porte Saint-Martin, nous fumes entoures d'une
foule de citoyens appartenant a la classe ouvriere, et dont la plupart,
j'en ai la conviction, etaient le lendemain derriere les barricades.
L'accueil qu'ils nous firent, les poignees de main cordiales qu'ils nous
donnerent, leurs propos vifs et patriotiques, m'ont douloureusement
prouve une fois de plus que les meilleurs instincts peuvent etre egares,
et que la guerre civile est le plus horrible des fleaux.
Les projectiles des insurges arrivaient jusque sur le boulevard.
Lamartine tourna resolument a gauche, et nous le suivimes dans la rue du
Faubourg-du-Temple, sous le feu de la barricade et des maisons occupees
par nos adversaires. Arrives sur les quais, nous vimes un detachement de
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