e n'avoir
que ce faible ecrit pour en conserver la memoire. En evidence sur la
petite butte que venait de quitter le colonel, il animait ses hommes, et
ajustait ses coups avec un imperturbable sang-froid. Derriere un large
creneau, un Arabe se montrait a demi et se cachait tour a tour. Le
sergent le tenait enjoue, et epiait, pour tirer, le moment favorable,
mais l'ennemi le prevint; foudroye, Smitters bondit en l'air, tomba a la
renverse, et son sang genereux rejaillit sur les grenadiers. Avant de
lui percer le coeur, la balle avait fait un long eclat a la monture de
son fusil. Effet frequent de la mort par les armes a feu, on aurait dit
qu'il dormait d'un bon sommeil, tant sa figure paraissait sereine et
presque rayonnante.
Cet intrepide sous-officier etait un homme de trente a trente-cinq ans,
d'une taille moyenne, bien pris, brun, sans barbe ni moustaches, comme
les soldats de son pays. Pauvre Anglais! dont le sort etait de venir
mourir dans une oasis du Sahara, a cote d'un neveu du plus grand ennemi
de sa grande nation!
Sa fin produisit une penible impression, et l'ennemi ne semblait pas
se ralentir. Mais, sur la lisiere de la foret, M. le colonel de Barral
operait une puissante diversion. Ses obus, longeant notre ligne et
sifflant a travers les palmiers, tombaient et eclataient parmi les
Arabes. Dans la plaine, un de ses echelons, forme du bataillon de
zouaves du commandant de Laurencez, etait arrive a trois cents metres
de nous. Les ennemis nous pressant toujours, je me decidai a aller lui
demander quelques hommes, pour appuyer mes grenadiers, qui continuaient
bravement la defense de la butte ou leur sergent venait d'etre tue. Avec
une courtoisie dont je lui suis redevable, M. de Laurencez[6] s'empressa
de me donner quinze hommes avec un lieutenant, M. Sentupery. Ce jeune
officier s'ecria: En avant, c'est le poste d'honneur! et nous courumes
renforcer ma ligne, ou l'arrivee des zouaves produisit visiblement
le meilleur effet. Sur mon indication, ces braves rejoignirent les
grenadiers a l'eminence ou etait tombe Smitters, et un d'eux, nomme
Goise, qui avait ete prisonnier des Arabes et parlait leur langue, se
mit a les defier et a les plaisanter de la facon la plus originale.
C'est encore une preuve de l'ascendant des corps d'elite, que, des ce
moment, l'attaque se ralentit; l'uniforme des zouaves est redoute de
leurs adversaires a l'egal des vestes bleu de ciel des chasseurs, et nos
troupes elles-memes savent,
|