nous dejeunions,
il m'ordonna d'abattre encore des palmiers, cette fois a proximite de
la tranchee. Apres avoir garni de tirailleurs les murs de deux grands
jardins, je les fis completement raser, sans forte opposition de la part
des Arabes, soit qu'ils en eussent assez du combat du matin, soit que
le voisinage de nos travaux les tint en respect. Ils se contenterent de
nous envoyer de loin quelques balles qui ne nous firent pas grand mal;
un soldat cependant en fut atteint, et un autre fut blesse par la chute
d'un palmier.
Le soir, vers cinq heures, nous retournames au camp. Nos tentes et nos
lits de cantines nous parurent des palais et des edredons apres la
tranchee. Les vivres etaient abondants a la colonne; le pain seulement,
qu'on faisait venir de Biscara, commencait a manquer, mais du biscuit
trempe le remplace, au besoin. L'eau etait desagreable, malsaine, et
tellement chargee de sels, qu'en ayant passe un litre environ a travers
un mouchoir de toile, j'en obtins un residu qui, seche et approche du
feu, crepitait comme du nitre. Le sable, d'une finesse imperceptible,
s'infiltrait partout; quelque precaution que l'on prit, tout ce qu'on
preparait pour manger en etait tellement saupoudre, qu'a chaque morceau
on le sentait craquer sous la dent. Je fis l'experience de placer du
papier sur la tablette de ma tente, et bien que j'en eusse boucle les
contre-sanglons pour la fermer completement, deux heures apres le papier
etait tout couvert de sable. Ces petits inconvenients n'etaient qu'un
sujet d'observations; mais la mauvaise qualite de l'eau incommodait tout
le monde, et engendrait meme des maladies.
Le lendemain, nos pertes furent douloureusement augmentees par la mort
du capitaine Graillet, commandant du genie. Par le plus malheureux des
hasards, tandis qu'il dirigeait les travaux a la sape de droite, il fut
tue d'une balle qui passa dans l'interstice de deux troncs de palmiers
places en epaulement. C'etait un officier jeune, tres distingue, et
a jamais regrettable; la veille, j'avais bu avec lui un verre
d'eau-de-vie, et dans la conversation que nous eumes ensemble sur les
operations du siege, je remarquai qu'il etait pour les partis les plus
vigoureux.
Le 27 se passa sans evenement remarquable. Les travaux continuerent sur
le meme pied a la tranchee. Les Arabes tiraillerent plus ou moins toute
la journee, et se montrerent parfois a la lisiere de l'oasis, d'ou leurs
balles arrivaient jusqu'a notre front de b
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