Au moment de nous separer, j'aurais ete
heureux que l'acces de nos rangs me fut ouvert par les collegues qui
avaient brise la loi de mon exil. Il me semblait qu'une decision
favorable eut ete comme une accolade fraternelle, et qu'aucun effort ne
m'aurait coute pour la justifier.
Sous l'empire de ces pensees, je resolus de presenter une petition a
l'Assemblee. Elle fut deposee le 17 mars 1849. M. Armand Marrast, notre
president, voulut bien la renvoyer immediatement au comite de la guerre.
Elle y fut examinee; le ministre de la guerre s'abstint d'y paraitre;
deux membres, amis de mon cousin, ne vinrent pas, et cependant j'obtins
quatorze voix sur vingt-huit. Que ceux de mes honorables collegues qui
se prononcerent en ma faveur me permettent de leur exprimer ma profonde
reconnaissance. J'en dois surtout au brave et venerable general Laidet,
a MM. Avond et de Barbancois, qui voulurent bien plaider ma cause avec
une veritable et chaleureuse fraternite. Quant a ceux qui crurent devoir
repousser ma requete, s'il en est parmi eux pour qui mon nom ait ete un
motif de defiance, qu'ils me permettent, aujourd'hui que mon epee a ete
brisee, de leur dire avec desinteressement qu'ils se sont trompes; dans
aucun cas, la Republique n'aurait eu un soldat plus fidele, comme elle
l'aura encore, si elle etait attaquee, bien que ce ne puisse plus etre
dans les rangs de l'armee.
M. le general Leflo avait ete nomme rapporteur de ma petition, mais nos
nombreux travaux et les graves preoccupations du moment empecherent de
la porter a l'ordre du jour. La Constituante fit place a la Legislative,
et ma position militaire resta la meme. Ce moment, il faut en convenir,
a ete decisif dans ma vie, car si j'etais entre dans un regiment
francais, au lieu de me presenter aux nouvelles elections, j'aurais
suivi mes penchants et je me serais exclusivement consacre a la carriere
des armes. Quoi qu'il en soit, nomme dans l'Ardeche et en Corse, je
revins sieger a l'Assemblee actuelle.
Ma position n'y etait pas facile, ni agreable. D'un cote, je voyais
une majorite composee de divers elements, tous d'origine monarchiste,
opposes par consequent a mon principe, mais soutenant, quoiqu'en
l'egarant, suivant moi, le pouvoir executif. De l'autre, une minorite,
formee aussi de nuances diverses, moins heterogenes, il est vrai;
minorite republicaine, revolutionnaire, reformatrice, humanitaire,
demandant de grandes entreprises, mais ayant des chefs qui consideraie
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