etait dans
la consternation, le cholera decimait les habitants, les hotels avaient
ete abandonnes par leurs proprietaires; a la _Croix de Malte_, je fus
recu par le seul domestique qui restat dans la maison. Je passai la
journee du 6 a Toulon, et le 7, apres midi, nous appareillames pour
Alger, a bord du _Cacique_, fregate a vapeur de l'Etat.
Nous arrivames le 9 au soir. Je me rendis immediatement chez le
gouverneur general, a qui je remis une lettre du president de la
Republique. Je recus de M. le general Charon le plus gracieux accueil;
il voulut bien me retenir a diner pour le soir meme, et le jour suivant.
Le lendemain, avec le capitaine Dubost, aide-de-camp du gouverneur, je
visitai le magnifique jardin d'essai, ou, entre autres merveilles, on
voit de grands massifs d'orangers; et la jolie campagne du brave general
Jusuf qui, malgre ses glorieux services, n'a pu obtenir son assimilation
a nos autres generaux.
Le soir, j'assistai a une danse de ravissantes Moresques comme on n'en
voit qu'a Alger, et a une ceremonie religieuse tres originale des negres
de la ville, qui sont de vrais convulsionnaires. Je pris conge du
gouverneur, et le lendemain, au matin, je partis pour Philippeville, a
bord d'un petit pyroscaphe cotier, affecte au service des depeches. Nous
cotoyames assez pres de terre les montagnes encore verdoyantes de la
Kabylie; nous relachames a Dellys, Bougie, Djidjeli, et le lendemain, 12
octobre, nous etions a Stora. C'est une belle baie, ou l'on trouve un
port sur et spacieux, a une demi-heure de marche de Philippeville. Notre
pyroscaphe fut aussitot entoure de plusieurs bateaux montes par de
nombreux marins. A leur costume, a leurs acclamations sympathiques, aux
coups de fusil et de pistolet dont ils me saluaient, je reconnus de
suite nos intrepides et habiles caboteurs d'Ajaccio qui, sur de freles
embarcations non pontees, se hasardent a aborder aux cotes d'Afrique,
pour y mener la vie laborieuse qui leur permet de rapporter quelques
economies a leurs familles. J'allai a terre avec ces rudes et chers
enfants du peuple, et je me mis en route pour Philippeville, en
compagnie du capitaine Gautier, commandant la gendarmerie de la
province. Le chemin, taille dans la montagne, suit les bords de la mer;
la vigoureuse vegetation du sol d'alentour, couvert d'epais arbustes, me
frappa par son extreme ressemblance avec la Corse. A peu pres a moitie
route, on trouve une magnifique batterie parfaitement entretenue
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