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par-ci, par-la, de quelques mamelons isoles, et coupe de ravins ou de
lits de torrents desseches, tres propres aux embuscades. Nous savions
a n'en pas douter que Si-Abd-el-Afid, ce marabout influent des monts
Aures, qui, au mois de septembre dernier, avait ete frotte d'importance
par l'infortune commandant Saint-Germain, etait aux aguets avec un
_goum_ nombreux. Deux ou trois jours avant, ces partisans avaient
assassine un chasseur et deux spahis a l'entree du col de Spha, ou nous
vimes le sol encore rougi de leur sang. On pretendait aussi que nous
aurions affaire a des fantassins qu'on avait vus, disait-on, postes dans
le defile, ce qui nous aurait embarrasses quelque peu, attendu que nous
n'avions pas nous-memes une seule baionnette; mais dans la plaine, quel
que fut le nombre des ennemis, la valeur eprouvee de nos bons chasseurs
et le prestige de leur uniforme nous garantissaient, de gre ou de force,
le passage du convoi. On va voir si nous nous trompions.
Le manque absolu d'eau ne nous avait pas permis de faire de grande
halte. Une harde de gazelles venait de partir, et je faisais remarquer a
un de mes voisins que, dans un autre moment, la nature du terrain
nous eut invites a les poursuivre, lorsque je fus frappe de l'aspect
singulier de deux mamelons isoles et rapproches qui, a l'endroit ou
nous etions, masquaient le debouche du col, situe a un petit intervalle
derriere eux. J'observai que, suivant toutes les probabilites, la devait
etre l'embuscade. Elle y etait, en effet; mais, en nous voyant avancer,
l'ennemi avait file doucement par la droite, et gagne le lit d'un
torrent a notre gauche. Nos spahis bleus, s'en etant approches avec
precaution, le fusil haut, firent tout a coup demi-tour et revinrent
vers nous au galop. Le premier arrive nous dit en arabe, en montrant
du doigt le lit du torrent: le goum de Si-Abd-el-Afid est la. Nous
n'apercumes rien d'abord. Cependant, ayant fait filer l'avant-garde
et le convoi, ce qui ne fut pas fait sans peine, je restai avec M.
Vivensang et deux autres officiers a l'arriere-garde. Nous n'avions,
en definitive, qu'une trentaine de chevaux, et bientot nous vimes, a
quelques cents metres de nous, sortir successivement d'embuscade un
grand nombre de cavaliers ennemis, qui se rangerent en assez bon ordre
_de l'autre cote du ravin_. Cette circonstance me fit penser de suite
qu'ils n'etaient pas decides a nous aborder, et qu'ils nous redoutaient,
bien qu'ils fussent au moin
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