e d'accourir,
et il etait temps, car l'engagement devenait de plus en plus vif. En un
instant, le capitaine Touchet, apres avoir tue de sa main un ennemi,
tomba frappe d'un coup de feu en pleine poitrine; le capitaine Butet
recut une balle a travers la cuisse; Nyko fut blesse a la tete; moi-meme
je fus atteint d'un gros caillou, qui ayant rebondi sur ma _carghera_
corse (ceinture a cartouches), ne me fit pas grand mal. Je restai seul
d'officier.
L'oeil au guet, le doigt sur la detente, j'attendais que quelque Arabe
se montrat au-dessus du mur. Il en vint un qui, coiffe d'un turban,
brandissait un pistolet de la main droite, s'appuyait sur la gauche,
et se decouvrait audacieusement jusqu'a la ceinture. En apercevant un
officier qui le tenait en joue presque a bout portant, il dut penser que
son heure etait arrivee; il voulut se rejeter en arriere, mais il n'en
eut pas le temps; je lui lachai dans le cou, au-dessous du menton, mon
coup droit charge d'une balle et cinq chevrotines; son coup du pistolet
porta a faux sur ma gauche, sa tete frappa le mur qui fut baigne de son
sang, et derriere lequel il disparut en tombant.
Presque en meme temps, a quelques pas de la, un autre, a barbe grise,
arme d'un long fusil garni d'argent, faisait basculer son arme sur le
haut du mur, pour nous mieux viser. Se voyant vise a son tour, il se
retira; mais aussitot, elevant les bras et son fusil, il allait tirer
dans notre direction, quand je lui lachai mon second coup, charge a deux
balles qui, ecretant le mur, l'atteignirent a la tete dont on ne voyait
que le sommet. Comme son camarade, il tomba de l'autre cote, ainsi que
son fusil qui paraissait fort beau, et que nous ne pumes prendre. Les
tirailleurs applaudirent, et ils m'assurerent que c'etaient des chefs.
Tout cela se passa, pour ainsi dire, en un clin d'oeil, et beaucoup plus
vite qu'on ne peut l'ecrire. Cependant, le feu, au lieu de discontinuer,
prenait une nouvelle intensite. En voyant tomber leurs officiers et
leurs camarades, beaucoup de soldats s'empresserent autour d'eux, et les
transporterent sur les derrieres; d'autres, comme cela arrive souvent
en pareil cas,[5] les accompagnerent, sans doute pour les escorter; les
travailleurs avaient suspendu la coupe des palmiers, mais n'etaient pas
venus en ligne; en un mot, je restai avec le quart environ de mon monde,
c'est-a-dire une vingtaine de grenadiers de la Legion et quatre-vingts
hommes, a peu pres, du bataillon d'Afriqu
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