t, soutenu avec succes par les Arabes, malgre l'invariable
bravoure de nos soldats.
On a vu que le 15, de bon matin, j'etais parti de Constantine. Apres
quelques heures de marche, nous fimes halte a la fontaine du Bey. Des la
veille, j'avais fait connaissance avec le sirocco, une des conditions
les plus incommodes de la guerre d'Afrique. Nous nous rafraichimes
copieusement a une belle source d'eau vive, et tandis que nos chevaux
mangeaient l'orge, qu'on dechargeait les mulets, et qu'on retirait
des cantines notre frugal dejeuner, je m'amusai a chasser des bandes
nombreuses de gangas, que je trouvai tres farouches, pour une contree
aussi deserte.
Nous arrivames de bonne heure a l'etape d'Ain-Melilla, ou ma tente
fut bientot dressee pres de la fontaine. Les eaux abondantes qui en
decoulent, forment un long marais qui s'etend de l'est a l'ouest et qui,
par sa vegetation et les oiseaux aquatiques qui le peuplent, egaie un
peu la triste vallee ou nous nous trouvions. Elle est surplombee de deux
montagnes arides qui semblent s'observer, et les Arabes de la tribu
voisine nous assurerent, sans perdre leur serieux, qu'a certains jours,
les deux colosses de granit s'avancent l'un vers l'autre dans la plaine
et s'entrechoquent dans une lutte fantastique. Ces braves gens a
imagination poetique s'appellent les Smouls, et comptent parmi nos plus
surs allies. Un de leurs chefs, a figure biblique encadree dans un
bournous blanc comme neige, vint me saluer et m'offrir la _diffa_. Elle
consistait dans un grand plat de bois, a pied, comble de _couscous_ et
de viandes. Ce chef me dit qu'il savait que j'etais non-seulement le
frere du sultan des Francais, mais le fils d'un prophete, et qu'il
n'avait rien a me refuser. J'usai de son hospitalite, en lui demandant
du lait qu'il nous procura aussitot, et que l'ardeur produite par le
sirocco nous rendit extremement agreable avec du the. La nuit, des
voleurs de chevaux vinrent roder autour de nos tentes; mais les chiens
des _douairs_ voisins firent un tel vacarme qu'ils les eloignerent.
Reveilles par leurs aboiements, nous entendimes dans le lointain le
rugissement d'un lion. Cette premiere etape, par son originalite
romanesque, ne fut pas sans charme; de Constantine a Ain-Melilla il y a
quarante-deux kilometres.
Des que le jour parut, nous pliames bagage, et apres quelques heures de
marche assez vive, nous fimes notre grande halte sur les bords du marais
d'Ain-Feurchie. Le gibier, dans cet
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