vraient la marche, suivis, a peu de distance, d'un brigadier et quatre
cavaliers; cent cinquante pas derriere ceux-ci, venaient la moitie de
l'infanterie, le convoi, sur un grand front, quand le passage des lits
desseches des torrents n'obligeait pas a le reduire, le reste des
fantassins, la cavalerie, et un peu plus loin, en arriere-garde, un
sous-officier et quatre cavaliers; enfin, deux autres spahis fermaient
la marche, et quatre chasseurs a droite et a gauche la flanquaient.
Cette petite colonne etait tres originale et pittoresque, dans une
plaine sauvage jalonnee de ruines d'anciens postes romains. Pour
l'empecher de s'allonger, nous faisions, toutes les heures, une halte de
cinq minutes, et malgre les prescriptions reglementaires, je permis aux
fantassins de deposer les sacs sur des mulets haut le pied, attention a
laquelle nos soldats sont tres sensibles.
Nous arrivames de bonne heure a la riviere des Tamaris, ou nous fimes
notre grande halte. Ce lieu est celebre par les frequentes embuscades
des Arabes. Tandis que nous dejeunions, nous vimes arriver une
evacuation de nos blesses, parmi lesquels etaient MM. Marinier et
Thomas, capitaines dont l'etat nous inspira, pour leur vie, de vives
inquietudes. Ils venaient de Biscara, sous l'escorte d'un detachement de
chasseurs d'Afrique. M. Hamme, officier commandant, portait l'ordre de
faire retrograder, avec les blesses, les troupes que j'amenais de Batna.
Je renvoyai donc mon escorte, hormis M. Bussy, les deux chasseurs et
deux des spahis que j'avais pris a Constantine, les deux autres etant
restes malades a Batna, et je me remis en route avec M. Hamme, dont le
detachement faisait partie de l'escadron du capitaine Vivensang, qui
nous attendait a El-Kantara.
En quittant la riviere des Tamaris, et a mesure qu'on avance vers le
sud, le pays, d'abord ondule et encore couvert de quelque vegetation, se
montre tout a coup abrupte, sterile et montagneux. On arrive ensuite a
un defile rocailleux qui aboutit au passage d'El-Kantara, ou une petite
riviere torrentielle s'ouvre une etroite issue entre deux hautes
montagnes d'une pierre rougeatre, sombres, depouillees et taillees a
pic. C'est sur ce cours d'eau, au lit profondement encaisse, qu'est jete
un pont de construction romaine, dont la solidite a brave le temps et
les crues, et donne un nom a la localite, car El-Kantara en arabe veut
dire le pont. A la sortie de ce passage, le regard, fatigue de s'arreter
sur les roches
|