decharnees qui l'enserrent, est frappe d'un spectacle
magique; un vaste horizon apparait sans transition, et au debouche meme
du defile, une verte oasis de palmiers offre ses ombrages et ses fruits,
tandis qu'au dela, comme en deca, le sol est infertile et escarpe.
Ici, je dus remarquer que, malgre leur bravoure et leur fanatisme, les
Arabes ne savent pas toujours profiter des avantages du terrain. Il est
certain que, dans tout autre pays de montagnes, en Corse, en Grece,
en Catalogne ou dans le Tyrol, une poignee de tireurs eut suffi pour
disputer le passage meme a des forces considerables, et sans convoi,
dans une gorge aussi bien disposee pour la guerre de chicane.
M. le capitaine Vivensang, qui etait venu a notre rencontre, nous
conduisit ou campaient ses chasseurs. Les deux detachements reunis, nous
disposions d'une soixantaine de sabres, qui, en rase campagne, valaient
au moins, comme on sait, et comme on verra par la suite, un nombre
decuple d'Arabes. Sans doute, nous avons en France de beaux et bons
regiments, mais il n'en est point qui satisfassent autant que cette
admirable cavalerie de chasseurs d'Afrique l'observateur consciencieux
qui aime a voir les agents de guerre veritablement appropries a leur
destination. Le soir, dans la tente du capitaine, je soupai gaiement
avec les officiers, MM. Hamme, Chabout et Lermina. La soupe a l'oignon
ni le vin bleu ne furent dedaignes. Du reste, le caid de l'endroit,
revetu d'un bournous d'investiture, c'est-a-dire rouge, donne par nos
autorites, nous fit apporter des poules, des oeufs et des oranges
ameres.
Le 21, au lever du soleil, nous pliames bagage et nous fimes filer aussi
lestement qu'on put nos mulets arabes et leurs conducteurs. La route ne
nous offrit rien de particulierement remarquable, si ce n'est une roche
de l'aspect le plus bizarre, imitant a s'y meprendre, meme a une faible
distance, les ruines d'un chateau feodal. A la grande halte, nous
chassames, le capitaine et moi, aux bords d'une riviere couverts de
lauriers roses, et, malgre l'avis qu'on nous avait donne que nous
rencontrerions l'ennemi avant d'etre a El-Outaia, nous arrivames sans
encombre, apres quelques heures de marche, a cette miserable oasis,
dont les plantations ont ete completement detruites par Ahmed, bey de
Constantine. Nous nous trouvions a environ deux cents kilometres de
cette ville, et a trente seulement de Biscara.
Le caid et le marechal-des-logis des spahis bleus du Desert,
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