endroit, foisonne, mais il est tres
defiant; le pays, tout a fait decouvert, ne permet pas qu'on l'approche;
je poursuivis inutilement deux grands et magnifiques oiseaux du genre
des outardes. Continuant notre route, nous passames entre deux lacs
sales qu'on appelle la _Sebka_. Dans cette saison, l'eau qui s'en etait
entierement retiree, laissait a decouvert une vaste plaine de sel,
dont le blanc bleuatre, sillonne de sentiers frayes par les indigenes,
rappelait ces contrees septentrionales couvertes de neige, et ou le
soleil brille apres une forte gelee. Nous rencontrions souvent des
bandes d'Arabes, parmi lesquels des Sahariens qui, poussant devant eux
leurs dromadaires charges de sacs de grains, regagnaient le desert. Nous
remarquames une femme qui, sur un cheval, entouree jusqu'a la ceinture
de paquets de toutes sortes, se voila le visage quand nous parumes.
Trois autres femmes tres laides la suivaient a pied. Le soin qu'avait
pris la premiere de se cacher la figure a notre approche fait presumer,
contrairement a ce qu'on croirait en Europe, qu'elle etait jolie; ses
yeux l'etaient certainement, car tout en se derobant a notre curiosite,
elle avait soin de nous darder des oeillades assassines. Je la saluai
en passant aupres d'elle, mais je n'en obtins qu'un dedaigneux silence.
Avant le coucher du soleil, nous etions a l'etape d'Ain-Yagout, distante
de soixante-seize kilometres de Constantine.
L'administration militaire a fait ici batir un bel abreuvoir et une
grande maison de plain-pied qui sert, en meme temps, d'auberge et de
poste retranche. Je fus recu par un sergent allemand de la Legion
etrangere, a qui en etait confiee la garde. Les Arabes, pour lesquels
l'abreuvoir est d'une grande utilite, l'entouraient, en foule, hommes et
femmes de differents _douairs_. Je me melai un instant a eux, et je
pus remarquer que les evenements qui s'accomplissaient avaient leur
influence sur ces populations, et qu'une partie, du moins, etait deja
ouvertement hostile a notre domination.
Le lendemain, nous etant mis en marche sous un soleil ardent, nous fimes
notre halte et notre dejeuner a l'ombre de rochers gigantesques; apres
quoi, nous quittames enfin la zone brulee et sans bois que nous suivions
depuis Constantine, pour entrer dans celle couverte d'une vegetation
vivace qui entoure Batna. A peu de distance de ce chef-lieu, nous nous
arretames a un beau moulin qui fournit les farines de la garnison, et
qui etait garde par u
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