gardes mobiles et quelques compagnies d'infanterie repousses avec perte
jusqu'a la rue Bichat. Ce fut la, pres du pont, que le cheval que
je montais fut atteint d'une balle, a quelques pas de Lamartine,
circonstance qui parut fixer favorablement l'attention de ce grand et
courageux citoyen. Et certes, si le soir meme il n'avait resigne ses
pouvoirs, j'ai tout lieu de croire qu'il n'en aurait pas fallu davantage
pour le porter a provoquer une decision touchant mon assimilation aux
officiers qui servent _au titre francais_.
Lamartine est un grand caractere; je n'en veux pour preuve que les
belles paroles que j'ai recueillies de sa bouche, le jour ou nous
nommames la Commission executive. "Si je voulais me separer de
Ledru-Rollin, nous dit-il, j'aurais deux cent mille hommes derriere moi;
_mais je craint la reaction et la guerre civile._" Quoi qu'il en soit,
n'est-il pas profondement triste, apres tant de vicissitudes, que ce que
j'eusse obtenu de Lamartine, ou peut-etre meme du general Cavaignac,
m'ait ete denie, malgre bien des promesses anterieures, par mon propre
cousin, sous pretexte d'une opposition sincere et moderee, que je
n'aurais pu cesser sans abjurer ma religion politique, et abdiquer toute
dignite et toute independance?
Mais procedons par ordre.
A le Commission executive succeda le general Cavaignac. Le decret du 11
octobre 1848 abrogea formellement, en ce qui touchait ma famille, la loi
du 10 avril 1832, qui, confondant les proscripteurs et les proscrits,
avait banni la branche ainee des Bourbons, et maintenu, moins la
sanction penale, l'exil dont ils nous avaient frappes, par la loi du
12 janvier 1816. La candidature de Louis-Napoleon fut produite, et une
immense acclamation repondit qu'il etait reste dans le coeur du peuple
le souvenir de l'homme qui avait porte a son plus haut degre le
sentiment de notre nationalite. Le dix decembre, comme je le dis alors,
est la derniere page de l'histoire de l'empereur, et pour l'ecrire, pres
de six millions de Francais ont dechire les traites de 1815, et proclame
que la sainte-alliance nous doit une revanche de Waterloo.
Malgre les efforts des republicains et de quelques hommes bien
intentionnes qui tenterent d'arriver a la seule conciliation
veritablement utile et durable, celle des deux grands pouvoirs de
la Republique, la Constituante, battue en breche par le nouveau
gouvernement, vit adopter la motion Rateau, modifiee, il est vrai, par
Lanjuinais, et fixe
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