eux enfants
egaux en droits; il supprima l'un des deux jumeaux.
-- Supprima, dites-vous?
-- Attendez... Ces deux enfants grandirent: l'un, sur le trone,
vous etes son ministre; l'autre, dans l'ombre et l'isolement.
-- Et celui-la?
-- Est mon ami.
-- Mon Dieu! que me dites-vous la, monsieur d'Herblay. Et que fait
ce pauvre prince?
-- Demandez-moi d'abord ce qu'il a fait.
-- Oui, oui.
-- Il a ete eleve dans une campagne, puis sequestre dans une
forteresse que l'on nomme la Bastille.
-- Est-ce possible! s'ecria le surintendant les mains jointes.
-- L'un etait le plus fortune des mortels, l'autre le plus
malheureux des miserables.
-- Et sa mere ignore-t-elle?
-- Anne d'Autriche sait tout.
-- Et le roi?
-- Ah! le roi ne sait rien.
-- Tant mieux! dit Fouquet.
Cette exclamation parut impressionner vivement Aramis. Il regarda
d'un air soucieux son interlocuteur.
-- Pardon, je vous ai interrompu, dit Fouquet.
-- Je disais donc, reprit Aramis, que ce pauvre prince etait le
plus malheureux des hommes, quand Dieu, qui songe a toutes ses
creatures, entreprit de venir a son secours.
-- Oh! comment cela?
-- Vous allez voir. Le roi regnant... Je dis le roi regnant, vous
devinez bien pourquoi.
-- Non... Pourquoi?
-- Parce que tous deux, beneficiant legitimement de leur
naissance, eussent du etre rois. Est-ce votre avis?
-- C'est mon avis.
-- Positif?
-- Positif. Les jumeaux sont un en deux corps.
-- J'aime qu'un legiste de votre force et de votre autorite me
donne cette consultation. Il est donc etabli pour nous que tous
deux avaient les memes droits, n'est-ce pas?
-- C'est etabli... Mais, mon Dieu! quelle aventure!
-- Vous n'etes pas au bout. Patience!
-- Oh! j'en aurai.
-- Dieu voulut susciter a l'opprime un vengeur, un soutien, si
vous le preferez. Il arriva que le roi regnant, l'usurpateur...
Vous etes bien de mon avis, n'est-ce pas? c'est de l'usurpation
que la jouissance tranquille, egoiste d'un heritage dont on n'a,
au plus, en droit, que la moitie.
-- Usurpation est le mot.
-- Je poursuis donc. Dieu voulut que l'usurpateur eut pour premier
ministre un homme de talent et de grand coeur, un grand esprit,
outre cela.
-- C'est bien, c'est bien, s'ecria Fouquet. Je comprends: vous
avez compte sur moi pour vous aider a reparer le tort fait au
pauvre frere de Louis XIV? Vous avez bien pense: je vous aiderai.
Merci, d'Herblay, merci!
-- Ce n'est pas ce
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