il put refuser a un poete deporte, qui mettrait sous ses yeux
"plusieurs chants (_il y avait donc des lors plusieurs chants_) d'un
poeme sur la Grece, un exil a Corfou, puisqu'il y veut envoyer d'autres
individus frappes par le meme decret. Ceci vous parait fou. Mais
songez-y bien: qu'est-ce qui n'est pas mieux que Hambourg?" Durant
toute cette proscription, Fontanes, luttant contre le flot, et cherchant
a tirer son epopee du naufrage, me fait l'effet de Camoens qui souleve
ses _Lusiades_ d'un bras courageux: par malheur, la _Grece sauvee_ ne
s'en est tiree qu'en lambeaux.
Mais, oserai-je le dire? ce furent moins ces rudes annees de l'orage qui
lui furent contraires, que les longs espaces du calme retrouve et des
grandeurs.
Au plus fort de sa lutte et de sa souffrance, et chantant la Grece en
automne, le long des brouillards de l'Elbe, ou en hiver, _enferme dans
un poele_, comme dit Descartes, Fontanes ecrivait a son ami de Londres
qu'il ne serait heureux que lorsque, rentre dans sa patrie, il lui
aurait prepare _une ruche et des fleurs a cote des siennes_; et l'ami
poete lui repondait: "Si je suis la seconde personne a laquelle vous
ayez trouve quelques rapports d'ame avec vous (_l'autre personne
etait M. Joubert_), vous etes la premiere qui ayez rempli toutes les
conditions que je cherchais dans un homme. Tete, coeur, caractere, j'ai
tout trouve en vous a ma guise, et je sens desormais que je vous suis
attache pour la vie.... Ne trouvez-vous pas qu'il y ait quelque chose
qui parle au coeur dans une liaison commencee par deux Francais
malheureux loin de la patrie? Cela ressemble beaucoup a celle de
_Rene_ et d'_Outougami_: nous avons jure dans un _desert_ et sur des
_tombeaux_." Ainsi se croisaient dans un poetique echange les souvenirs
de l'Atlantique et ceux de l'Hymette, les antiques et les nouvelles
images.
Le 18 brumaire trouva Fontanes deja rentre en France, et qui s'y tenait
d'abord cache. Je conjecture que _la Maison rustique_, transformation
heureuse de l'ancien _Verger_, est le fruit aimable de ce premier
printemps de la patrie. Il ne tarda pourtant pas a vouloir eclaircir sa
situation, et il adressa au Consul la lettre suivante, dont la noblesse,
la vivacite et, pour ainsi dire, l'attitude s'accordent bien avec
la lettre de 1797, et qui ouvre dignement les relations directes de
Fontanes avec le grand personnage.
"A BONAPARTE.
"Je suis opprime, vous etes puissant, je demande justice. La loi du 22
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