serait moins satisfait; on ne demandait pas cela alors; l'orateur,
dans sa justesse qui n'excede rien, s'est tenu au premier aspect de la
physionomie connue: et puis Washington, dans sa bouche, n'est qu'un beau
pretexte. Si l'on voulait meme y chercher aujourd'hui de ces traits de
forme qui devinent et qui gravent le fond, ce genie d'expression qui
cree la pensee, cette nouveaute qui demeure, on courrait risque de
n'etre plus assez juste pour la rapidite, le gout, la mesure, la
nettete, l'elevation sans effort, l'eclat suffisant, le nombre, tout cet
ensemble de qualites appropriees, dont la reunion n'appartient qu'aux
maitres.
Cette noble harangue de bienvenue, qui ouvrait, pour ainsi dire, le
siecle sous des auspices auxquels il allait sitot mentir, ouvrait
definitivement la seconde moitie de la carriere de M. de Fontanes.
S'il avait ete contrarie sans cesse et battu par le flot montant de la
Revolution, il arriva haut du premier jour avec le reflux. Nous n'avons
plus qu'un moment pour le trouver encore simple homme de lettres: il est
vrai que ce court moment ne fut pas perdu et va nous le montrer sous un
nouveau jour. M. de Fontanes, que nous savons poete, devient un critique
au _Mercure_.
II
Il l'etait deja par le discours qui precede l'_Essai sur l'Homme_: mais,
ici, il ne se renfermera plus dans un jugement forme a loisir sur
des oeuvres passees et deja classees: c'est a la critique actuelle,
polemique, irritable, qu'il met la main. Dans ce rapide detroit de
l'entree du siecle, il se lance avec decision; d'une part il nie, de
l'autre il accueille; il va proclamer avec eclat M. de Chateaubriand, il
repousse d'abord madame de Stael.
Dans le premier numero du _Mercure_ regenere parut son premier _extrait_
contre le livre de _la Litterature_: on vient de voir sa disposition
de longue date envers l'auteur. J'ai moi-meme analyse en detail et
apprecie, dans un travail sur madame de Stael,[128] cette polemique de
Fontanes. Ne voulant pas imiter un estimable et du reste excellent
biographe, qui, dans la _Vie de Fenelon_, est pour Fenelon contre
Bossuet, et qui, dans la _Vie de Bossuet_, passe a celui-ci contre
Fenelon, je n'ai rien a redire ni a modifier. Seulement, tout ce qui
precede explique mieux, de la part de Fontanes, cette spirituelle et
eclatante malice de 1800; en etendant le tort sur un plus grand espace,
je l'allege d'autant en ce point-la. Qu'y faire d'ailleurs? On relira
toujours, en les blamant, le
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