ant ne saurait servir egalement sa gloire.
[Note 133: Voir sur Fontanes a Morfontaine et au Plessis-Chamant,
dans la societe des freres et des soeurs de Bonaparte, les _Souvenirs
historiques_ de M. Meneval, tome I, pages 29, 33.]
J'irais plus haut peut-etre au Temple de Memoire,
Si dans un genre seul j'avais use mes jours,
a dit La Fontaine, lequel pourtant n'etait ni Recteur ni president
d'aucun Conseil sous Louis XIV.
Un avantage demeure, et il est grand: le caractere historique remplace
a distance l'interet litteraire palissant. Il n'est pas indifferent,
devant la posterite, d'avoir figure au premier rang dans le cortege
imperial et d'y avoir compte par sa parole. Ces discours, presentes dans
de sobres echantillons, suffisent a marquer l'epoque qu'ils ornerent, et
ou ils parurent d'accomplis temoignages de contenance toujours digne, de
flatterie toujours decente, et de reserve parfois hardie. M. de Fontanes
n'avait nullement partage les idees de la fin du XVIIIe siecle sur la
perfectibilite indefinie de l'humanite, et la Revolution l'avait plus
que jamais convaincu de la decadence des choses, du moins en France. Il
l'a dit dans une belle ode:
Helas! plus de bonheur eut suivi l'ignorance!
Le monde a paye cher la douteuse esperance
D'un meilleur avenir;
Tel mourut Pelias, etouffe par tendresse
Dans les vapeurs du bain dont la magique ivresse
Le devait rajeunir.
Apres le bain de sang, apres les triumvirs et leurs proscriptions, que
faire? qu'esperer? Le siecle d'Auguste eut ete l'ideal; mais, pour la
gloire des lettres, ce siecle d'Auguste, en France, etait deja passe
avec celui de Louis XIV. Ainsi desormais c'etait, au mieux, un siecle
d'Auguste sans la gloire des lettres, c'etait un siecle des Antonins,
qui devenait le meilleur espoir et la plus haute attente de Fontanes.
Son imagination, grandement seduite par le glorieux triomphateur, y
comptait deja. L'assassinat du duc d'Enghien lui tua son Trajan. Il
continua pourtant de servir, enchaine par ses antecedents, par ses
devoirs de famille, par sa moderation meme. Il etait _monarchiste_ par
gout, par principe: "Un pouvoir unique et permanent convient seul aux
grands Etats," disait-il; sa plus grande peur etait l'anarchie. Il resta
donc attache au seul pouvoir qui fut possible alors, s'efforcant en
toute occasion, et dans la mesure de ses paroles ou meme de ses actes,
de lui insinuer, a ce pouvoir trop ensanglante d'une fois, mais non pas
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