Oh! moi grand chagrin.
De nouveau elle se remit a pleurer; puis doucement elle tira la porte et
la ferma.
Tout en se disculpant de cette facon originale, elle avait place un
petit gueridon devant Leplaquet, et sur le lit de madame de Barizel une
de ces planchettes avec des rebords et des pieds courts qui servent aux
malades.
Leplaquet s'occupa a faire le the.
--Ainsi, dit-il, Corysandre a produit de l'effet sur le duc de Naurouse!
--Son effet ordinaire, c'est-a-dire extraordinaire: le duc est reste
en admiration devant elle. A deux reprises, je leur ai menage quelques
instants de tete-a-tete, ou ils auraient pu se dire toutes sortes de
choses tendres, s'ils avaient ete en etat l'un et l'autre de parler.
--Comment, Corysandre?
--Je l'ai confessee hier en rentrant; elle m'a avoue ou plutot elle m'a
declare, car elle n'est pas fille a avouer, que le duc de Naurouse lui
plait: c'est le premier homme qui ait produit cet effet sur elle.
--Mais c'est dangereux, cela.
--Oh! pas du tout; si peu Americaine que soit Corysandre, et elevee par
son pere elle l'est tres peu, elle a au moins cela de bon, et pour moi
de rassurant, qu'on peut la laisser _flirter_ sans danger. Elle se
laissera faire la cour, elle ecoutera tout ce qu'on voudra lui dire de
tendre ou de passionne; elle serrera toutes les mains qui chercheront
les siennes, elle n'aura que des sourires pour ceux qui a droite et
a gauche d'elle lui presseront les pieds sous la table, dans le
tete-a-tete elle permettra meme avec plaisir qu'on depose un baiser sur
son front, ses joues, ses cheveux ou son cou; mais il ne faudra pas
aller plus loin; elle connait la valeur de la dot qu'elle doit apporter
en mariage et elle ne consentira jamais a la diminuer. Ce n'est pas elle
qui mangera son bien en herbe; quand il aura porte graine ce sera autre
chose, mais alors je n'aurai plus a en prendre souci.
--Votre intention est donc de faire du duc de Naurouse un pretendant?
--Savine, avec son caractere orgueilleux, s'imagine qu'en etant amoureux
de Corysandre il lui fait grand honneur, et comme il est a la glace,
incapable de passion et d'entrainement pour ce qui n'est pas lui et lui
seul, il s'en tient aux satisfactions qu'il trouve dans son intimite
avec nous. Du jour ou il verra que quelqu'un qui le vaut bien, sinon
par la fortune, du moins par le rang, car un duc francais de noblesse
ancienne vaut mieux qu'un prince russe, n'est-ce pas? Du jour ou il
verra que
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