rysandre ce jour-la, s'etait leve pour se retirer; alors madame
de Barizel, le trouvant au point qu'elle voulait, lui adressa son
invitation a diner pour le surlendemain.
--Quelques intimes seulement: le prince Savine, M. Dayelle, que vous
connaissez sans doute? Et puis un bon ami a nous; un ami d'Amerique,
maintenant fixe en Europe, un journaliste du plus grand talent, M.
Leplaquet.
Le duc de Naurouse etait parfaitement indifferent au nom et a la qualite
des convives; ce ne serais pas avec eux qu'il dinerait, ce serait avec
Corysandre, et, tout en remerciant madame de Barizel, il placa ces
convives: Dayelle et Savine a droite et a gauche de madame de Barizel;
le journaliste et lui de chaque cote de Corysandre: ce serait charmant.
C'etait beaucoup pour madame de Barizel de reunir a sa table le prince
Savine et le duc de Naurouse; mais ce n'etait pas tout: pour que cette
reunion portat les fruits qu'elle en attendait, il fallait que ses deux
autres convives, Dayelle et Leplaquet, jouassent bien le role qu'elle
leur destinait; elle n'etait pas femme a s'en rapporter aux hasards de
l'inspiration, et a l'avance elle entendait regler chaque chose, chaque
detail, chaque mot, sans rien laisser a l'imprevu, de facon a ce que
tout marchat regulierement, surement, pour arriver a un succes certain.
Pour Leplaquet, elle etait sure de lui: c'etait un associe, un complice
sans scrupules, un instrument docile et il y avait plutot a moderer son
zele qu'a l'exciter. Comment ne se fut-il pas employe corps et ame au
mariage de Corysandre? Que d'espoirs pour lui, que de reves, que de
projets dans ce mariage qui devait, croyait-il, faire le sien! Plus de
boheme, plus de travail, plus de copie, une position, des relations.
Mais pour Dayelle il n'en etait pas de meme: Dayelle etait un bourgeois,
un homme a principes, que sa situation financiere et politique rendait
circonspect et timore, lui inspirant a propos de tout ce qui ne devait
pas se faire au grand jour une peur affreuse de se compromettre.
Qu'attendre de bon d'un homme qui, a chaque instant, s'ecriait avec la
meilleure foi du monde: "Que dirait-on de moi! Un homme comme moi!" S'il
etait heureux d'avoir une maitresse dont il se croyait aime, une femme
jeune encore, lui qui etait un vieillard; une grande dame, lui qui etait
un parvenu, c'etait a condition que cette liaison ne l'entrainerait pas
trop loin. Deja il trouvait que quitter Paris et ses affaires pour venir
a Bade deu
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