,--c'est-a-dire son mariage avec Dayelle.
Marier Corysandre et lui faire epouser Savine avait un grand interet
pour elle, mais se marier elle-meme et se faire epouser par Dayelle en
avait un bien plus grand encore.
Elle, elle avait trente-huit ans, et pour elle les minutes, les heures,
les jours se precipitaient avec la vitesse fatale de tout ce qui est
arrive au bout de sa course et tombe de haut; encore une annee, encore
deux peut-etre et l'irreparable serait accompli, elle serait une vieille
femme. Si son mariage avec Dayelle manquait, ce serait fini. Ou trouver
un autre Dayelle aussi riche, en aussi belle situation que celui-la?
avec cette fortune et cette situation, elle ferait de lui un personnage
dans l'Etat, tandis que d'Avizard et de Leplaquet, elle ne pourrait
jamais rien faire, si grande peine qu'elle se donnat: l'un resterait
ce qu'il etait, un simple faiseur; l'autre, ce qu'il etait aussi, un
boheme.
C'etait le samedi que Dayelle devait arriver a Bade, par le train parti
de Paris le soir. Bien que madame de Barizel eut horreur de se lever
matin, ce jour-la elle montait en wagon a neuf heures pour aller a Oos,
qui est la station de bifurcation de Bade, l'attendre au passage.
Au temps ou elle etait jeune et ou elle aimait reellement, elle n'avait
jamais eu de ces attentions, mais alors les demonstrations et les
preuves etaient inutiles, tandis que maintenant elles etaient
indispensables. Dayelle etait defiant; de plus, il avait des moments
lucides ou, se voyant ce qu'il etait reellement, un vieillard, il se
demandait s'il pouvait etre vraiment aime, si ce n'etait point une
illusion de le croire, un ridicule de l'esperer; et le seul moyen pour
combattre ces defiances etait de lui donner de telles preuves de cet
amour, qu'elles fissent taire les soupcons du doute aussi bien que les
objections de la raison. Comment ne pas croire a la tendresse d'une
femme qu'on sait paresseuse et dormeuse avec delices, et qui quitte son
lit a huit heures du matin, qui s'impose la fatigue d'un petit voyage en
chemin de fer pour venir au-devant de celui qu'elle attend et lui faire
une surprise!
Elle fut grande, cette surprise de Dayelle, et bien agreable, quand
pendant la manoeuvre au moyen de laquelle on detachait son wagon du
train de la grande ligne pour le placer en queue du train de Bade, il
vit la portiere de son salon s'ouvrir et madame de Barizel apparaitre,
souriante, avec la joie et la tendresse dans les yeux.
|