rd, prirent une energie qui rendait la contradiction difficile:
--Jusque-la, dit-elle, je ne vous ai parle que de Corysandre; mais
je crois que je dois vous parler aussi de moi; de vous, de nous.
Voulez-vous que je sois toute a vous? Aidez-moi a marier Corysandre au
plus vite. Notre situation, telle qu'elle existe maintenant, ne peut
pas se prolonger plus longtemps. Vous comprenez que la verite peut se
decouvrir d'un moment a l'autre, et que, du jour ou elle sera connue,
du jour ou le monde donnera son vrai nom a ce qu'il a accepte jusqu'a
present pour de l'amitie, le mariage de Corysandre sera gravement
compromis, empeche peut-etre pour jamais, par le scandale de la conduite
de sa mere. Ne serait-ce pas affreux? Aidez-moi donc a la marier si vous
m'aimez comme je vous aime.
--En quoi la mission que vous voulez que je remplisse aupres du duc de
Naurouse aidera-t-elle au mariage de Corysandre?
Elle se mit a sourire.
--Comme les hommes les plus fins sont naifs pour les choses de
sentiment, dit-elle en reprenant le ton caressant. Comprenez donc que le
duc de Naurouse ne doit nous servir qu'a decider le prince Savine, et
que le prince se decidera quand il saura qu'il a un rival.
--Puisque ce rival n'aura paru que pour se retirer...
--Il se retirera ecarte par vous, notre ami prudent, mais non par nous,
de telle sorte qu'il peut revenir; c'est la peur de ce retour qui, je
l'espere, amenera le prince Savine a realiser enfin une resolution
arretee dans son esprit comme dans son coeur et qu'il differe, je ne
sais pourquoi.
XIV
Comme c'etait le soir meme, apres le diner, que Dayelle devait adresser
son etrange discours au duc de Naurouse, il voulut se preparer pendant
la journee en repetant a Corysandre ce qu'il avait dit le matin a
madame de Barizel sur le jeune duc. Malheureusement pour son eloquence,
Corysandre ne lui facilita point sa tache, et, malgre le tact que madame
de Barizel lui avait reconnu le matin, il s'arreta plusieurs fois,
embarrasse pour continuer.
Aux premiers mots Corysandre avait souri, heureuse qu'on lui parlat du
duc de Naurouse; mais, quand elle avait vu que ce n'etait pas du tout
l'eloge qu'elle attendait que Dayelle entreprenait, elle avait pris sa
mine la plus dedaigneuse, et, malgre les signes desesperes de sa mere,
elle avait repondu d'une facon peu reverencieuse aux observations qui la
contrariaient:
--Alors il a fait des dettes, M. de Naurouse?
--Des dettes considerabl
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