--Eh quoi, s'ecria-t-il en lui tendant les deux mains pour l'aider a
monter, vous ici!
XIII
La distance est courte d'Oos a Bade. Pendant ce trajet, le nom du duc de
Naurouse ne fut pas prononce. Pouvait-elle penser a un autre qu'a celui
qu'elle etait si heureuse de revoir? C'etait pour lui qu'elle etait
venue, c'etait de lui seul qu'elle pouvait s'occuper.
Mais, apres les premiers moments d'epanchement, il etait tout naturel de
parler de ce qui s'etait passe depuis la derniere visite de Dayelle a
Bade, et alors le nom du duc de Naurouse se presenta, amene par la force
des choses.
--A propos, j'ai une nouvelle a vous annoncer, une grande nouvelle que
j'allais oublier, tant je suis troublee. Il faut me pardonner, quand je
vous vois, je perds la tete et ne pense plus a rien. Vous connaissez le
duc de Naurouse?
--Je l'ai beaucoup vu chez le duc d'Arvernes, a la campagne, au chateau
de Vauxperreux; presentement, il est en train de faire un voyage autour
du monde.
--Presentement, il est a Bade, arrivant de son voyage, et j'ai tout lieu
de penser qu'il est amoureux de Corysandre.
Elle dit cela joyeusement, glorieusement; mais Dayelle ne s'associa pas
a cette joie, loin de la.
--Si ce que vous supposez etait vrai, dit-il gravement, il ne faudrait
pas s'en rejouir; il faudrait, au contraire, s'en affliger, M. de
Naurouse ne serait nullement le mari que je souhaiterais a votre fille.
--Qu'a-t-on a lui reprocher?
Avant de repondre, Dayelle prit une pose parlementaire, la tete en
arriere, les yeux a dix pas devant lui, deux doigts de la main dans la
poche de son gilet, le bras gauche etendu noblement:
--Vous savez, dit-il, combien est vive l'affection que je porte a votre
fille, d'abord parce qu'elle est votre fille et puis aussi parce qu'elle
est charmante; c'est sincerement que je souhaite son bonheur. M. le duc
de Naurouse n'est pas digne d'elle et je ne crois pas qu'il puisse la
rendre heureuse. Il faut que vous ayez jusqu'a ces derniers temps habite
l'Amerique pour que le tapage de cette existence ne soit point arrive
jusqu'a vous; c'est non seulement son argent que M. de Naurouse a
gaspille follement, le jetant aux quatre vents comme s'il avait hate de
s'en debarrasser, c'est aussi son coeur, sa sante. Le scandale de ses
amours avec la duchesse d'Arvernes a etonne Paris qui, vous le savez, ne
s'etonne pas facilement. Bref et en un mot, M. le duc de Naurouse, bien
que jeune, beau, distingue, ric
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