a que Berengere l'attendait; elle la suivit, et meme elle
l'attira en dehors de la maison.
--Nous serons mieux dehors, dit-elle, et nous profiterons des dernieres
lueurs du jour.
Le nez chausse de lunettes, miss Armagh examina longuement,
consciencieusement la reprise de Sophie:
--C'est incontestablement parfait, dit-elle, on a tort de blamer un
pareil travail.
--N'est-ce pas?
--Assurement; je le soutiendrai envers et contre tous.
Et elle se prepara a rentrer dans la cuisine.
Mais avant qu'elle eut tourne sur elle-meme, Berengere la prenant par le
bras l'arreta.
Alors, baissant la voix:
--Miss Armagh!
--Mon enfant?
Et, jusqu'a un certain point etonnee par cet appel, Miss Armagh la
regarda avec attention.
Elle paraissait confuse et embarrassee.
--Qu'ayez-vous donc? demanda l'institutrice.
--C'est que cela n'est pas facile a dire.
--Quoi?
--Ce que je veux dire.
--Meme a moi?
--Surtout a vous, attendu qu'il s'agit de vous dans ce qui m'embarrasse.
--N'ai-je plus votre confiance, mon enfant?
--Ah! ma chere miss Armagh!
--Eh bien! alors, parlez, si la chose est urgente ou bien, si elle ne
l'est pas, remettez-la a un moment ou, ayant reflechi, vous serez mieux
preparee.
--Elle est urgente.
--Alors, mon enfant, dites-la.
--Mais...
--Dites-la, je vous prie. Qui peut vous retenir? Ne suis-je pas votre
amie?
Miss Armagh se montrait d'autant plus pressante, qu'elle etait vivement
intriguee par ces hesitations et ces reticences.
--Que va-t-elle m'apprendre? se demandait-elle.
Sans en avoir l'air, Berengere l'observait a la derobee.
Lorsqu'elle jugea le moment favorable a l'execution de son dessein, elle
se decida a parler.
--Il s'agit d'une chose qui vous surprendra, dit-elle.
Et de nouveau elle s'arreta.
--Pour laquelle j'ai besoin du concours de M. de Gardilane.
--Une chose qui me surprendra?
--Si vous cherchez a comprendre, je ne vais pas plus loin.
--Cependant...
--Il n'y a qu'une seule chose que vous devez comprendre, c'est que si je
demande le concours de M. de Gardilane ouvertement devant vous, il n'y
aura plus de surprise pour vous. Cela est clair, n'est-ce pas?
--Clair?
--Il me semble que si vous savez ce que je dis a M. de Gardilane, la
surprise est supprimee.
--Alors?
--Alors il faudrait tout naturellement que vous ne l'entendissiez point.
Ainsi nous allons rentrer au chateau tout a l'heure, tous les trois
ensemble. Eh bien
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