chappe.
La tombe vomira leur fantome odieux.
Vivants, ils ont servi de bouc expiatoire;
Morts, ils seront bannis de la terre et des cieux.
Cette histoire sinistre est votre propre histoire;
O mon ame! o mon coeur! peut-etre meme, helas!
La votre est-elle encor plus sinistre et plus noire.
C'est une histoire simple ou l'on ne trouve pas
De grands evenements et des malheurs de drame,
Une douleur qui chante et fait un grand fracas;
Quelques fils bien communs en composent la trame,
Et cependant elle est plus triste et sombre a voir
Que celle qu'un poignard denoue avec sa lame.
Puisque rien ne vous veut, pourquoi donc tout vouloir
Quand il vous faut mourir, pourquoi donc vouloir vivre
Vous qui ne croyez pas et n'avez pas d'espoir?
O vous que nul amour et que nul vin n'enivre!
Freres desesperes, vous devez etre prets
Pour descendre au neant ou mon corps vous doit suivre!
Le neant a des lits et des ombrages frais.
La mort fait mieux dormir que son frere Morphee,
Et les pavots devraient jalouser les cypres.
Sous la cendre a jamais, dors, o flamme etouffee!
Orgueil, courbe ton front jusque sur tes genoux,
Comme un Scythe captif qui supporte un trophee.
Cesse de te raidir contre le sort jaloux,
Dans l'eau du noir Lethe plonge de bonne grace,
Et laisse a ton cercueil planter les derniers clous.
Le sable des chemins ne garde pas ta trace,
L'echo ne redit pas ta chanson, et le mur
Ne veut pas se charger de ton ombre qui passe.
Pour y graver un nom ton airain est bien dur;
O Corinthe! et souvent froide et blanche Carrare,
Le ciseau ne mord pas sur ton marbre si pur.
Il faut un grand genie avec un bonheur rare
Pour faire jusqu'au ciel monter son monument,
Et de ce double don le destin est avare.
Helas! et le poete est pareil a l'amant,
Car ils ont tous les deux leur maitresse ideale,
Quelque reve cheri caresse chastement.
Eldorado lointain, pierre philosophale
Qu'ils poursuivent toujours sans l'atteindre jamais,
Un astre imperieux, une etoile fatale.
L'etoile fuit toujours, ils lui courent apres;
Et, le matin venu, la lueur poursuivie,
Quand ils la vont saisir, s'eteint dans un marais.
C'est une belle chose et digne qu'on l'envie
Que de trouver son reve au milieu du chemin,
Et d'avoir devant soi le desir de sa vie.
Quel plaisir quand on voit briller le lendemain
Le baiser du soleil aux freles colonnades
Du palais que la nuit eleva de sa main!
Il est beau, qu'un plongeur, comme dans le
|