ptimiste, Bourgogne partageait,
jusqu'a un certain point, cette maniere de voir. Et cependant, a sa
rentree en France, son regiment etait reduit a 26 hommes!
Leur dieu les emeut toujours: en le voyant, au passage de la Berezina,
"enveloppe d'une grande capote doublee de fourrure, ayant sur la tete
un bonnet de velours amarante, avec un tour de peau de renard noir et
un baton a la main", Picart pleure en s'ecriant: "Notre Empereur
marcher a pied, un baton a la main, lui si grand, lui qui nous fait si
fiers!"
Enfin, au mois de mars 1813, Bourgogne se retrouve dans sa patrie, et
recoit l'epaulette de sous-lieutenant au 145e de ligne, avec lequel il
repart pour la Prusse. Blesse au combat de Dessau (12 octobre 1813),
il est fait prisonnier.
Ses loisirs de captivite sont consacres au releve de ses souvenirs,
encore recents; il prend des notes. Avec les lettres ecrites a sa
mere, elles serviront, plus tard, a rediger ses _Memoires_. Et alors
il se demande si c'est bien lui qui a ecrit tout cela, tant le rappel
de ce qu'il a vu le frappe de nouveau. Il se demande s'il n'a pas ete
le jouet de son imagination. Mais il se raffermit et se complete en
causant du passe avec d'anciens compagnons dont il donne la liste. La
concordance de leurs temoignages prouve qu'il n'a point reve.
Le premier retour des Bourbons l'avait fait demissionner aussitot[3],
sous le pretexte de "partager, avec de vieux parents, le fardeau de
leur travail, pour le soutien d'une nombreuse famille". Il pensait a
un mariage, qui suivit de pres sa lettre au Ministre.
[Note 3: "L'Empereur n'etant plus en France, dit-il lui-meme dans
une note de ses _Memoires_, je donnai ma demission."]
La vie de famille aussi a ses epreuves: Bourgogne le sentit apres la
perte de sa femme, laissant deux filles a elever. Il contracta un
second mariage et eut encore deux enfants[4].
[Note 4: Bourgogne epousa, a Conde, le 31 aout 1814,
Therese-Fortunee Demarez. Apres sa mort, arrivee en 1822, il se
remaria avec Philippine Godart, originaire de Tournai.]
Etabli marchand mercier, comme son pere, il quitta bientot le magasin
pour s'occuper d'affaires industrielles ou il perdit une partie de son
bien. Ses habitudes simples, son heureux naturel l'aiderent a
supporter ces revers, qui ne l'empecherent point de donner une
instruction convenable a ses filles. Il les adorait et sut leur
inspirer l'amour des arts dont il etait epris: l'une s'adonnait a la
peinture, l'autre a l
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