venait dire a
l'Empereur: "Sire, un tel general est tue ou blesse", il fallait le
remplacer de suite. Ce fut de cette maniere que le colonel Anabert fut
nomme general. Je m'en rappelle tres bien, car j'etais, en ce moment,
a quatre pas de l'Empereur qui lui dit: "Colonel, je vous nomme
general; allez vous mettre a la tete de la division qui est devant la
grande redoute, et enlevez-la!"
Le general partit au galop, avec son adjudant-major, qui le suivit
comme aide de camp.
Un quart d'heure apres, l'aide de camp etait de retour, et annoncait a
l'Empereur que la redoute etait enlevee, mais que le general etait
blesse. Il mourut huit jours apres, ainsi que plusieurs autres.
L'on a assure que les Russes avaient perdu cinquante generaux, tant
tues que blesses.
Pendant toute la bataille, nous fumes en reserve, derriere la division
commandee par le general Friant: les boulets tombaient dans nos rangs
et autour de l'Empereur.
La bataille finit avec le jour, et nous restames sur l'emplacement,
pendant la nuit et la journee du 8, que j'employai a visiter le champ
de bataille, triste et epouvantable tableau a voir. J'etais avec
Grangier. Nous allames jusqu'au ravin, position qui avait ete tant
disputee pendant la bataille.
Le roi Murat y avait fait dresser ses tentes. Au moment ou nous
arrivions, nous le vimes faisant faire, par son chirurgien,
l'amputation de la cuisse droite a deux canonniers de la Garde
imperiale russe.
Lorsque l'operation fut terminee, il leur fit donner a chacun un verre
de vin. Ensuite, il se promena sur le bord du ravin, en contemplant la
plaine qui se trouve de l'autre cote, bornee par un bois. C'est la
que, la veille, il avait fait mordre la poussiere a plus d'un
Moscovite, lorsqu'il chargea, avec sa cavalerie, l'ennemi qui etait en
retraite. C'est la qu'il etait beau de le voir, se distinguant par sa
bravoure, son sang-froid et sa belle tenue, donnant des ordres a ceux
qu'il commandait et des coups de sabre a ceux qui le combattaient. On
pouvait facilement le distinguer a sa toque, a son aigrette blanche et
a son manteau flottant.
Le 9 au matin, nous quittames le champ de bataille et nous arrivames,
dans la journee, a Mojaisk. L'arriere-garde des Russes etait en
bataille sur une hauteur, de l'autre cote de la ville occupee par les
notres. Une compagnie de voltigeurs et de grenadiers, forte au plus de
cent hommes du 33e de ligne, qui faisait partie de l'avant-garde,
montait la cote sans
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