embre 1812.
_Fin de l'abrege de notre marche depuis le Portugal jusqu'a Moscou._
BOURGOGNE
Ex-grenadier de la Garde imperiale,
chevalier de la Legion d'honneur[15].
[Note 15: La signature de Bourgogne a la fin de ce chapitre,
montre qu'il le considerait comme une sorte d'_Avant-propos_.]
II
L'incendie de Moscou.
Le 14 septembre, a une heure de l'apres-midi, apres avoir traverse une
grande foret, nous apercumes, de loin, une eminence. Une demi-heure
apres, nous y arrivames. Les premiers, qui etaient deja sur le point
le plus eleve, faisaient des signaux a ceux qui etaient encore en
arriere, en leur criant: "Moscou! Moscou!" En effet, c'etait la grande
ville que l'on apercevait: c'etait la ou nous pensions nous reposer de
nos fatigues, car nous, la Garde imperiale, nous venions de faire plus
de douze cents lieues sans nous reposer.
C'etait par une belle journee d'ete; le soleil reflechissait sur les
domes, les clochers et les palais dores. Plusieurs capitales que
j'avais vues, telles que Paris, Berlin, Varsovie, Vienne et Madrid,
n'avaient produit en moi que des sentiments ordinaires, mais ici la
chose etait differente: il y avait pour moi, ainsi que pour tout le
monde, quelque chose de magique.
Dans ce moment, peines, dangers, fatigues, privations, tout fut
oublie, pour ne plus penser qu'au plaisir d'entrer dans Moscou, y
prendre des bons quartiers d'hiver, et faire des conquetes d'un autre
genre, car tel est le caractere du militaire francais: du combat a
l'amour, et de l'amour au combat.
Pendant que nous etions a contempler cette ville, l'ordre de se mettre
en grande tenue arrive.
Ce jour-la, j'etais d'avant-garde avec quinze hommes, et on m'avait
donne a garder plusieurs officiers restes prisonniers de la grande
bataille de la Moskowa, dont quelques-uns parlaient francais. Il se
trouvait aussi, parmi eux, un _pope_ (pretre de la religion grecque),
probablement aumonier d'un regiment, qui, aussi, parlait tres bien
francais, mais paraissant plus triste et plus occupe que ses
compagnons d'infortune. J'avais remarque, ainsi que bien d'autres,
qu'en arrivant sur la colline ou nous etions, tous les prisonniers
s'etaient inclines en faisant, a plusieurs reprises, le signe de la
croix. Je m'approchai du pretre, et je lui demandai pourquoi cette
manifestation: "Monsieur, me dit-il, la montagne sur laquelle nous
sommes s'appelle le _Mont-du-Salut_, et tout bon Moscovite, a la vue
de la ville sai
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