pourquoi, et je continuai a marcher.
Enfin, nous arrivames sur la place du Gouvernement; nous nous formames
en masse, en face du palais de Rostopchin, gouverneur de la ville,
celui qui la fit incendier. Ensuite l'on nous annonca que tout le
regiment etait de piquet, et que personne, sous quelque pretexte que
ce soit, ne devait s'absenter. Cela n'empecha pas qu'une heure apres,
toute la place etait couverte de tout ce que l'on peut desirer, vins
de toutes especes, liqueurs, fruits confits, et une quantite
prodigieuse de pains de sucre, un peu de farine, mais pas de pain. On
entrait dans les maisons qui etaient sur la place, pour demander a
boire ou a manger, et comme il ne s'y trouvait personne, l'on
finissait par se servir soi-meme. C'est pourquoi l'on etait si bien.
Nous avions etabli notre poste sous la grand'porte du palais, ou, a
droite, se trouvait une chambre assez grande pour y contenir tous les
hommes de garde, et quelques officiers russes prisonniers que l'on
venait de nous conduire et que l'on avait trouves dans la ville. Pour
les premiers que nous avions, conduits jusqu'aupres de Moscou, nous
les avions laisses, par ordre, a l'entree de la ville.
Le palais du gouverneur est assez grand; sa construction est tout a
fait europeenne. Dans le fond de la grand'porte se trouvent deux beaux
escaliers tres larges, qui sont places a droite et finissent par se
reunir au premier ou se trouve un grand salon avec une grande table
ovale dans le milieu, ainsi qu'un tableau de grande dimension dans le
fond, representant Alexandre, empereur de Russie, a cheval. Derriere
le palais se trouve une cour tres vaste, entouree de batiments a
l'usage des domestiques.
Une heure apres notre arrivee, l'incendie commenca: on apercut, sur la
droite, une epaisse fumee, ensuite des tourbillons de flammes, sans
cependant savoir d'ou cela provenait. Nous apprimes que le feu etait
au bazar, qui est le quartier des marchands: "Probablement, disait-on,
que ce sont des maraudeurs de l'armee qui ont mis le feu par
imprudence, en entrant dans les magasins pour y chercher des vivres".
Beaucoup de personnes qui n'ont pas fait cette campagne disent que
l'incendie de Moscou fut la perte de l'armee: tant qu'a moi, ainsi que
beaucoup d'autres, nous avons pense le contraire, car les Russes
pouvaient fort bien ne pas incendier la ville, mais emporter ou jeter
dans la Moskowa les vivres, ravager le pays a dix lieues a la ronde,
chose qui n'etait pa
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