s'inquieter du nombre d'ennemis qui
l'attendaient. Une partie de l'armee, qui etait encore arretee dans la
ville, les regardait avec surprise, quand plusieurs escadrons de
cuirassiers et de cosaques s'avancent et enveloppent nos voltigeurs et
nos grenadiers. Mais, sans s'etonner et comme s'ils avaient prevu
cela, ils se reunissent, se forment par pelotons, ensuite en carre, et
font feu des quatre faces sur les Russes qui les entourent.
Vu la distance qui les separe de l'armee, on les croit perdus, car
l'on ne pouvait pas arriver jusqu'a eux pour les secourir. Un officier
superieur des Russes s'etant avance pour leur dire de se rendre,
l'officier qui commandait les Francais repondit a cette sommation en
tuant celui qui lui parlait. La cavalerie, epouvantee, se sauva et
laissa les voltigeurs et grenadiers maitres du champ de bataille[14].
[Note 14: Un de mes amis, un velite, le capitaine Sabatier,
commandait les voltigeurs. (_Note de l'auteur_.)]
Le 10, nous suivons l'ennemi jusqu'au soir, et, lorsque nous nous
arretons, je suis commande de garde pres d'un chateau ou est loge
l'Empereur. Je venais d'etablir mon poste sur un chemin qui
conduisait au chateau, lorsqu'un domestique polonais, dont le maitre
etait attache a l'etat-major de l'Empereur, passa pres de mon poste,
conduisant un cheval charge de bagages. Ce cheval, fatigue, s'abattit
et ne voulut plus se relever. Le domestique prit la charge et partit.
A peine nous avait-il quittes, que les hommes du poste, qui avaient
faim, tuerent le cheval, de sorte que toute la nuit, nous nous
occupames a en manger et a en faire cuire pour le lendemain.
Un instant apres, l'Empereur vint a passer a pied. Il etait accompagne
du roi Murat et d'un auditeur au conseil d'Etat. Ils allaient joindre
la grand'route. Je fis prendre les armes a mon poste. L'Empereur
s'arreta devant nous et pres du cheval qui barrait le chemin. Il me
demanda si c'etait nous qui l'avions mange. Je lui repondis que oui.
Il se mit a sourire, en nous disant: "Patience! Dans quatre jours nous
serons a Moscou, ou vous aurez du repos et de la bonne nourriture,
quoique d'ailleurs le cheval soit bon."
La prediction ne manqua pas de s'accomplir, car, quatre jours apres,
nous arrivions dans cette capitale.
Le lendemain 11 et les jours suivants, nous marchames par un beau
temps. Le 13, nous couchames ou il y avait une grande abbaye et
d'autres batiments d'une construction assez belle. On voyait bien que
l'o
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