a eux. Mais ils sont commandes par des braves
officiers qui jurent, ainsi que les soldats, de se faire tuer plutot
que de ne pas en sortir avec honneur. Ils gagnent, en se battant, un
terrain qui leur etait avantageux. Alors ils se forment en carre, et
comme ils n'en etaient pas a leur coup d'essai, le nombre d'ennemis
qui leur etait oppose ne les intimide pas; et cependant ils etaient
entoures d'un regiment de lanciers et par d'autres cavaliers qui
cherchaient a les enfoncer, sans pouvoir y parvenir, de maniere qu'au
bout d'un moment, ils finirent par avoir, autour d'eux, un rempart
d'hommes et de chevaux tues et blesses. Ce fut un obstacle de plus
pour les Russes, qui, epouvantes, se sauverent en desordre, aux cris
de joie de toute l'armee, spectatrice de ce combat.
Les notres revinrent tranquillement, vainqueurs, s'arretant par
moments et faisant face a l'ennemi. L'Empereur envoya de suite l'ordre
de la Legion d'honneur aux plus braves. Les Russes, en bataille sur
une hauteur opposee a celle ou nous etions, ont vu, comme nous, le
combat et la fuite de leur cavalerie.
Apres cette echauffouree, nous formames nos bivouacs. Un instant
apres, je recus la visite de douze jeunes soldats de mon pays, de
Conde; dix etaient tambours, un, tambour-maitre, et le douzieme etait
caporal des voltigeurs, et tous dans le meme regiment. Ils avaient
tous, a leur cote, des demi-espadons. Cela signifiait qu'ils etaient
tous maitres ou prevots d'armes, enfin des vrais spadassins. Je leur
temoignai tout le plaisir que j'avais de les voir, en leur disant que
je regrettais de n'avoir rien a leur offrir. Le tambour-maitre prit la
parole et me dit:
"Mon pays, nous ne sommes pas venus pour cela; tout au contraire, nous
sommes venus vous prier de venir avec nous prendre votre part de ce
que nous, avons a vous offrir: vin, genievre et autres liquides fort
restaurants. Nous avons enleve tout cela, hier au soir, au general
russe, c'est-a-dire un petit fourgon avec sa cuisine et tout ce qui
s'ensuit, que nous avons depose dans la voiture de Florencia, notre
cantiniere, une jolie Espagnole, qu'on dit etre ma femme, et cela
parce qu'elle est sous ma protection, en tout bien tout honneur!" Et
en disant cela, il frappait de la main droite sur la garde de sa
longue rapiere. "Et puis, reprit-il, c'est une brave femme; demandez
aux amis, personne n'oserait lui manquer. Elle avait un caprice pour
un sergent avec qui elle devait se marier. Mais il a et
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