s etroitement citadines. C'etait, dans toute
la force du terme, un beau gars au teint d'olive sous sa chevelure
crespelee, robustement taille, plutot habille a la bonne franquette que
correctement enferme dans des jaquettes a la mode. Il avait le verbe
haut, mais sans impertinence; quelquefois, d'ailleurs, devenait-il
silencieux, ce qui genait considerablement le marquis force de lui dire
quelque chose pour ne pas laisser tomber la conversation. Il se nommait
M. Antoine, et faisait non la commission, mais des achats de vins en
gros pour son propre compte. Comme il tenait a visiter les recoltes
sur pied, ses visites duraient plus longtemps que celles des simples
voyageurs.
Donc, quand, mis par des tiers en relations, pour la premiere fois, avec
M. de Libersac, il arriva au chateau, celui-ci se montra, avec lui, plus
courtoisement hospitalier que jamais. Il lui donna une des meilleures
chambres de la maison et ne lui menagea aucune des attentions
interessees qui pouvaient aboutir a une grosse affaire. Le gentilhomme
se mit visiblement en frais. Le premier jour, apres une longue visite
aux vignes litteralement ployantes sous leur savoureux fardeau, on
organisa une facon de partie de peche pour distraire l'etranger. Un
ruisseau charmant coulait au bas de la propriete, plein de petites
truites et d'ecrevisses. On y descendit au soleil couchant et on en
revint avec un buisson d'une part et une friture de l'autre. Le diner
fut presque gai et Mlle Angelique y parla, ce qui lui arrivait bien
rarement en pareilles occurrences. Or, plus avant dans le soir, quand
l'hote eut ete conduit a sa chambre, elle demeura, aupres de son pere,
si visiblement melancolique et troublee que celui-ci lui en demanda la
raison. Elle repondit d'abord vaguement et quelques generalites sur la
situation vraiment triste des jeunes filles qui ont la vocation certaine
du mariage et y doivent renoncer pour des convenances sociales. Puis,
insensiblement, elle precisa, et avec une ingenuite charmante, une
loyaute instinctive et une horreur naturelle de la dissimulation, elle
fit comprendre a son pere que M. Antoine serait un mari qui ne lui
deplairait en rien. Le gentilhomme eut un sourire amer et un leger
haussement d'epaules. Mais, sans y faire attention, elle continua,
insistant sur ce que cette union aurait de raisonnable et donnant
elle-meme, a cela, de tres raisonnables motifs.
--Ma chere enfant, lui dit, a la fin, M. de Libersac impatiente,
en adme
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