uterent sur les deux seuls
chevaux encore vacants, et, tout aussitot, s'enlacerent dans les bras
l'un de l'autre, avec les mauvaises facons de concubins sans vergogne,
et tout a fait indignes d'entrer dans une aussi matrimoniale compagnie.
Et de se donner des baisers tout haut, devant le monde, en s'appelant
de leurs petits noms d'amants: Titine et Totor. Non! ca vous sentait
l'irregularite dans la vie a plein nez, jusqu'a la fripouille. Bijou
venait de donner le coup de collier et l'orgue commencait de gueuler
comme si on lui avait marche sur un pied, chose d'autant plus improbable
qu'il n'en avait que trois. On s'amusait ferme dans la societe Pistache
et Brisquet, et moins honnetement, mais plus encore, dans le couple
Titine et Totor.
Et pendant ce temps-la, M. Eusebe Pecrus promenait, a quelques pas de
la, le long des baraques epanouies derriere la parade, une serieuse
melancolie, regrettant fort, comme moi d'ailleurs, l'absence des femmes
colosses, proscrites, aujourd'hui, et qui n'avaient pas leurs pareilles
pour vous distraire d'un chagrin d'amour en vous faisant tater leur
"petit mollet". Chagrin d'amour et humiliation conjugale, tel etait le
double cas de M. Eusebe Pecrus, ancien pharmacien de seconde classe,
dont la femme Ernestine, nee Lavesse, avait fichu le camp, il y avait
trois ans deja, avec son premier potard, Victor Pepin, accident qui
avait projete sur sa vie, jusque-la sans ennuis, une ombre douloureuse
et fourchue. C'est au point que, par degout de tous les jeunes potards
qui trompent leur patron en collaborant a des clysteres, il avait quitte
son commerce, vendu son fonds, et vivait, pensif mais a l'aise, du
produit de ses empoisonnements passes, n'ayant d'autres distractions que
celles des petits rentiers inoccupes; assidu, par consequent, a toutes
ces badauderies foraines, dont il ne faut tolerer la suppression a aucun
prix.
[Illustration: fig05.png]
Comment s'en vint-il se buter, marchant comme il faisait, un peu a
l'aventure, contre le manege Billedou, pere et fils, en pleine marche
circulaire maintenant? ce sont ces hasards que les gens a qui ils
profitent appellent: providence, et les autres: guignon. Toujours est-il
qu'il poussa un cri et l'exclamation: Ah! canailles! en reconnaissant
dans le couple Titine et Totor, lequel s'embrassait a tire-larigot, en
passant devant lui, son infidele epouse nee Lavesse, et l'infame potard
Pepin, qui la lui avait ravie.--Attendez-un peu, gredins! ajou
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