n bourgeois, un bourgeois
conservateur, et les enfants ont fort bien observe qu'il ne se posait
jamais que pour compter ses ecus. Moi qui aime toutes les betes, je le
hais avec sa petite redingote marron de proprietaire, ses rouflaquettes
a la Louis-Philippe, depassant des deux cotes de la tete, et sa
casquette noire luisante comme une soie crasseuse. C'est une bete
politique et reactionnaire.
Il bourdonne, dans les meetings aeriens, un tas de chansonnettes
royalistes et surannees. Apres avoir fait semblant de mourir, il
ressuscite en dessous, et boit, a pleines seves nourricieres, l'espoir
des travailleurs qui cultivent les fraisiers. Voila ce qu'est ce
hanneton dont Topfer s'est fait un Dieu.
C'est une fatalite, souvent remarquee par les subtils, que les etres qui
se ressemblent le plus se tourmentent volontiers mutuellement. Au moral
et meme un peu au physique, rien ne ressemble plus a un hanneton que M.
Briquet. Lui aussi est bourgeois, conservateur, reactionnaire, porte
volontiers un habit puce et une casquette sombre. Son dernier souvenir
glorieux, dans l'histoire contemporaine, est celui du Seize-Mai, dont il
fut et demeure un admirateur fervent. C'est au point que sa jolie villa
de Petenouille-en-Vexin est encore remplie de portraits du duc de
Magenta. Et au bas de chacun de ces portraits, M. Briquet a inscrit,
de sa main, en gros caracteres, quelqu'une des belles et legendaires
paroles, prononcees par le Marechal, en de grandes occasions. Ce petit
musee n'est pas d'un effet artistique louable, mais il affirme, chez son
gardien, un sentiment de fidelite, trop rare en ce temps pour que j'aie
envie de le plaisanter. Depuis l'effondrement du memorable ministere
dans lequel le grand-maitre de l'Universite n'aurait pu se retourner
sans montrer le plus impertinent des anagrammes vivants, M. Briquet
a dedaigneusement detourne ses regards du gouvernement des choses
publiques. Et il consacre son temps precieux a quoi, en cette saison? A
embeter les hannetons qu'il devrait considerer comme des freres. Muni
d'un grossier filet a papillons, il les poursuit, le soir, jusque dans
la paix des charmilles, les accumule, au mepris de toutes les lois du
bien-etre, dans d'anciennes boites de conserves maleolentes en
diable. Et, le lendemain matin, il les emmene avec lui a la peche et,
transperces d'un hamecon, les offre, au bout d'une ligne volante, a
l'appetit des schwenes qui en sont particulierement friands. Houp! le
poisson
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