ntot ce genre de paiement et en
refererent a la Justice. Mais celle-ci faisait la sourde oreille a leurs
plaintes, la magistrature ayant ete--comme cela se fait de temps en
temps--soigneusement epuree de tous ses juges integres et desinteresses,
lesquels avaient ete remplaces par des creatures du regime nouveau
absolument partiales en faveur de la noblesse. Nos reclamants en etaient
donc pour leurs reins meurtris et les sarcasmes dont les accablait notre
bon sieur Antenor de Boutensac, en les voyant partir tout boitant et
tout geignant, comme des chiens aux pattes ecrasees.
Et c'etait de petites fetes de famille que ces executions auxquelles
le bon gentilhomme conviait tous ses voisins et qui faisaient rire aux
larmes les dames et demoiselles des castels ambiants, la bonte d'ame des
femmes ne se dementant jamais.
La demoralisation commencait a envahir toutes les etudes. Les jeunes
clercs donnaient leur demission et renoncaient noblement a la carriere.
Toute l'huisserie regionale etait dans un marasme impossible a decrire,
quand les deux huissiers Guignevent et Rouspignol, tous deux de
Castelnaudary, les plus vigoureux des officiers ministeriels du
departement--Guignevent pesait cent vingt kilos et Rouspignol soulevait
des meubles enormes a bras tendu,--sentirent que la profession etait
perdue dans la contree, si les choses continuaient ainsi, et resolurent
de relever l'etendard des frais de justice. A la premiere affaire qui
fut confiee a un d'eux, par un debiteur du baron, ils se mirent en
route, de compagnie, pour le manoir de Boutensac. Apres s'etre jure de
se preter main-forte, solidement armes d'ailleurs d'excellents gourdins
de cornouiller, cuirasses, nonobstant, de gilets nombreux et epais, sous
leur crasseuse redingote, afin que les horions en fussent amortis.
Et, de tres belliqueuse facon, ils sonnerent a l'huis seigneurial, le
chapeau sur l'oreille, avec des facons de mousquetaires, plutot que de
porteurs de contraintes qu'ils etaient tout simplement.
Comment le bon sieur Antenor de Boutensac avait-il eu vent de leur
complot (je ferai remarquer que l'expression n'est pas de moi)? Parbleu!
je n'en sais rien. Mais comme les huissiers sont toujours execres dans
un pays, il n'est pas etonnant que leurs ennemis soient scrupuleusement
tenus au courant de leurs faits et gestes.
Au grand etonnement de nos deux pourfendeurs, la porte s'ouvrit devant
eux, sans qu'un nouvel appel fut necessaire. Aucune sentinelle
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