ns image:
"Etoile du firmament, lune de mes nuits, tulipe de mes reves, conseillez
donc a cet imbecile d'aller faire au loin quelque negoce. Je lui
preterai le peu qu'il faudra pour partir, et il le perdra certainement
en route. Mais pendant ce temps-la, nous prendrons du bon temps. Je
viens justement d'expedier une caravane pour un marche lointain, et je
n'ai rien absolument a faire qu'a vous aider a le tromper indignement,
comme il le merite."
Et mon aieule Amany ecoutait cette canaille de Togrul et trouvait son
projet plein de bon sens.
Un jour donc, mon malheureux ancetre Khodja trouva, a sa grande
surprise, en revenant de prendre a la pipee quelques strophes matinales,
un petit ane tout harnache a la porte de sa maison, et, sur le petit
bourriquet, qui dodelinait des oreilles, un sac en travers, tout
gonfle de riz: "--Mon gaillard, lui dit amicalement sa femme, laquelle
l'attendait sur seuil fleuri de clematites, vous allez me faire le
plaisir d'aller vendre cela ou vous voudrez, et puissiez-vous crever en
route, pour que je me puisse remarier avec un moins nigaud que vous!"
Sans en demander davantage, l'excellent Khodja prit l'ane par le licou
et et mit en chemin tout en causant doucement avec l'animal. Car les
poetes et les betes s'entendent bien volontiers, et ce bienfaisant
baudet ne manquait pas de braire aux bons endroits, comme si la musique
des vers de son maitre l'emplissait d'une interieure admiration.
Ainsi arriverent-ils, a la tombee de la nuit, jusque vers une petite
montagne qu'ils gravirent ensemble, parce que les chanteurs, aussi bien
que les anes, aiment le voisinage des cieux, ceux-ci pour parler de plus
pres aux astres, et ceux-la parce que les chardons croissent a merveille
sur les sommets qu'ils argentent de leurs etoiles bleues. Le bon Khodja
s'assit, en remerciant Allah, dans une excavation rembourree de verdure
qui lui presentait un fauteuil naturel, et son compagnon commenca de
brouter les chardons aigus, en s'interrompant, pour le regarder, de
temps en temps, avec de bons yeux luisants et doux, ronds et lumineux
comme des tetes d'enormes clous.
Or, sous la montagne etait une caverne, ou nous retrouvons, precisement
a la meme heure la caravane expediee par Togrul, laquelle s'y venait
reposer jusqu'au lendemain matin, ayant decharge ses betes de leurs
fardeaux pour les soulager pareillement. Seulement, le pays etant
infeste de voleurs de grands chemins, le chef avait eu une idee geni
|