nsiblement d'une autre
generation. Tres expert dans son art, il n'avait d'ennemi, au monde, que
la langue francaise. Mais ce qu'il lui en faisait voir! Vous lui auriez
promis la couronne de Danemark, avec le titre d'Hamlet XXVII, que vous
ne l'auriez pas empeche de dire un "contre de carpe" et le "poumon" de
l'epee, sans prejudice du verbe "feinter", qu'il employait jusque dans
ses temps les plus invraisemblables. Mais, a ces querelles pres avec
l'orthographe et la syntaxe, quel homme sublime, que ce vieux troupier!
Mais c'etait dans les affaires d'honneur entre autres troupiers qu'il
etait surtout incomparable, dans ces duels qui ont lieu, nus jusqu'a la
ceinture, devant une legion de camarades admis a ce spectacle comme a
une lecon de courage.
Humain, prudent, paternel au fond, notre Trousse-Faquin ne faisait grace
a ses clients d'aucune de ces subtilites que la tradition militaire
introduisit dans ce genre de combats singuliers. Il en avait, lui-meme,
commente le formulaire en une redaction de son cru et de son style. A
signaler ce dernier chapitre qu'il gardait, comme on dit, pour la bonne
bouche, quand il guidait des soldats sur le terrain: "Aussitot qu'un des
adversaires (il prononcait: "anniversaire") est touche, l'autre
doit genereusement, et oubliant toute rancune indigne d'un soldat,
s'approcher de lui et sucer legerement le sang de sa blessure afin
d'eviter une extravasion du liquide vital ou quelque autre accident
prejudiciable a la sante."
Or, le maitre d'armes, entre deux seances de plastron, etait en train de
lire ce petit document a ses eleves, quand Petoine et Tancrede entrerent
dans la salle, celui-ci, une main sur la joue artificiellement gonflee,
celui-la, boitillant faussement, dans le but evident de se soustraire
aux delices de la planche.
Quand Petoine eut entendu, il poussa du coude Tancrede, qui porta
son doigt a son nez, en signe de meditation vehemente. Puis, par
extraordinaire, Petoine, cessant sa boiterie mensongere, alla au-devant
de la lecon. Ce que le La Lezardiere se moqua de lui, en le voyant
sous les armes! Lui, etait de premiere force, et redoute de tout le
bataillon.
Et ca n'empecha pas que Petoine, apres avoir retire sa veste, lui
flanqua une gifle monumentale pour lui apprendre a se divertir a ses
depens.
Un tel outrage demandait du sang, et le vieux maitre d'armes convoqua
nos deux gaillards a une rencontre, le lendemain matin, apres avoir
adresse au colonel un rapport
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