ont les retraites sont
invisibles absolument pendant le beau temps, en sortaient au moindre
bruit d'orage, assoiffes de l'ondee qui allait suivre le tonnerre et
les eclairs, il avait invente les preludes d'un orage artificiel, en
balancant rapidement, sous les feuillees, une lanterne qu'il cachait
ensuite rapidement sous son manteau, de facon a ne donner a cette
lumineuse apparition que la duree d'un eclair, tandis que des gamins
qui lui faisaient escorte executaient ensuite des roulements imitant la
foudre sur des tambours de vingt-cinq sous. L'effet etait immediat. De
derriere chaque branche, sortaient des paires de cornes inquietes qui
denoncaient au chasseur la presence de son gibier.
Et voila la musique de foire dont j'avais ete dupe! Et, pour prix de
mon amour mystifie, on m'offrait un plat qui me faisait dresser, sur
ma tete, les cheveux d'horreur! Et ce plat-la me coutait peut-etre la
tendresse eternelle de Marinette!
Ainsi pensai-je encore, avec un regain de rancune contre le destin,
en quittant ce joli chemin de Croix-Daurade, mon premier calvaire
passionnel en ce temps-la!
VIEUX AMIS
[Illustration: fig42.png]
VIEUX AMIS
La petite ville etait de celles ou les fonctionnaires en retraite
aiment a finir leurs jours, exagerement provinciale, avec un charme
de tranquillite qui tentait, au passage, les voyageurs lasses et les
amoureux fervents. Rien ne lui manquait des graces departementales, un
peu lointaines de Paris, qui font respirer a l'aise les Parisiens en
vacances, avec des propos idylliques sur les levres. Un joli clocher
roman aux teintes grises et dont les sonneries s'egrenaient a l'heure
des _Angelus_, melancoliques et joyeuses a la fois; une mairie qui
avait ete un vieux chateau feodal, enfouissant aujourd'hui ses pierres
vaguement sculptees, sous des guirlandes de lierre; un mail longeant
une riviere a l'eau courante, sous une double avenue de platanes aux
feuilles doublees d'argent clair; un petit jardin de ville ou les
amateurs venaient chanter, par les belles soirees d'ete. Ajoutez que la
riviere etait poissonneuse, navigable au loin entre de jolies haies de
roseaux, et, ce qui ne gate rien, que les filles du pays etaient belles,
avec de riants et naifs visages, les hommes affables et les commercants
aussi peu voleurs que possible. La vie etait donc facile dans ce Paradis
et il n'y avait rien d'etonnant a ce que les vieux militaires, hors
d'emploi, y fissent leur derniere garni
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