ourtoisie permise, et de la plus parfaite
tenue.--Tu vois bien que j'ai eu raison! dit Bidache, enchante, a son
vieux camarade.--Absolument! repondit Landrimol, qui etait volontiers
monosyllabique dans ses Propos.
[Illustration: fig43.png]
Et, en apparence, en effet, sauf a l'heure du diner que Bidache faisait
chez lui--mais encore invitait-il souvent Landrimol--et a l'heure du
coucher que Bidache avait avancee dans un sentiment qu'on peut supposer
bien naturel, rien ne sembla change d'abord dans l'existence de nos deux
amis. Les peches dans le meme bateau, les parties de billard dans les
cabarets, les aperitifs dans la meme fumee continuerent a scander la
double vie de ces deux heros. Cependant, arriva un moment ou Landrimol
parut quelque peu las de l'entretien de Bidache et il devint visiblement
moins expansif. Il prenait un bateau a lui tout seul, refusait de jouer
au billard, eloignait son verre de celui de Bidache dans les cafes.
Il devenait brusque et narquois dans la causerie, et la brusquait
volontiers au moment ou son ami semblait y prendre le plus grand
interet. Car a ce refroidissement tres net dans les relations
affectueuses, de la part de Landrimol, correspondait, comme presque
toujours, un redoublement de tendresse de Bidache. Mais sacredie! un
vieux militaire a sa dignite. Il ne pouvait pourtant pas continuer a
faire, tout seul, les frais d'une intimite qui semblait a charge a son
partenaire. Avec une veritable douleur, au fond de l'ame, lui aussi
devint hautain et sec. Un jour, ils se dirent: au revoir! comme de
coutume. Mais le lendemain ils ne se revirent pas. Et le surlendemain
non plus. C'etait fini.
Le destin ne devait pas cependant leur permettre de s'oublier l'un
l'autre, apres une si longue et si fidele amitie.
J'ai dit que Bidache, qui avait grossi, avait besoin d'un regime. Le
medecin lui avait prescrit une promenade de trois heures tous les
matins. Homme d'habitude, de discipline et de devoir, Bidache avait
immediatement organise celle-ci d'apres des lois immuables. Il partait
de chez lui a cinq heures, prenait a droite, toujours par la meme route,
et rentrait ponctuellement a huit heures, pour son cafe au lait. Or,
Landrimol, lui aussi, avait adopte un reglement matinal. Habitant sur la
droite de la maison de Bidache, sur la route meme que prenait celui-ci,
il faisait, en partant a cinq heures un quart, un detour par derriere la
petite ville, de facon a ne pas rencontrer son ancien am
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