de saphyr, est maintenant pareille a un bouton
de rose! C'est la palette tout entiere du soleil qui s'exerce sur la
montagne, et voila pourquoi elle est, au fond, cent fois plus diverse
que la mer, et plus ressemblante a madame Protee. De quelque facon qu'il
s'y prenne, l'homme qui s'etait assorti a sa couleur fait maintenant
tache sur elle.
[Illustration: fig35.png]
Sentant donc le probleme insoluble, notre ami Rodolphe fit une nouvelle
fouille dans son naturel genie et trouva infiniment mieux. Ce n'etait
pas a la montagne qu'il fallait ressembler, mais a un autre izard,
ces animaux pacifiques ne se defiant pas les uns des autres. Et,
laborieusement, il se mit a rechercher pour le ton des etoffes qu'il
adopterait pour son costume de chasse, le ton exact de la robe de son
gibier et du poil de sa victime. Il essaya toutes les laines des moutons
de divers pelages, sans arriver a l'identite qu'il revait. Il y avait
toujours, dans la fourrure de l'izard, une pointe de rouge qu'il
n'arrivait pas a donner a son propre habit. Un instant, il crut avoir
trouve; mais la decouverte faillit lui etre funeste. Il avait eu l'idee
de meler un peu de poil de renard tres roux, comme vous le savez, au
tissu de son molleton. C'etait parfait comme couleur. Mais il n'avait
pas pense que l'odeur persistante du renard, dont le fumet est le plus
terrible du monde, a un effet immediatement diuretique sur les chiens.
Le premier jour ou il fit son essai, tous les chiens de la region
accoururent a ses talons et se mirent a "compisser fort aigrement",
comme dit Rabelais au chapitre III de _Pantagruel_, son pantalon.
Impossible de se defendre de ce bain de pieds chaud et parfume! Une
premiere meute se forma a Lutz, dont il partait, laquelle s'enrichit,
en chemin, de celle de Saint-Sauveur, de Saligos, de Pierrefitte,
d'Argeles, si bien qu'il trainait un regiment de gentilshommes uriniers
a ses trousses et qu'il n'etait si petit roquet, dans toute la region,
qui ne tint a honneur de grossir le cortege et de venir apporter sa
goutte au deluge dont ruisselaient ses souliers. Il fallut que notre ami
Chaigne, en ce moment-la encore procureur de la Republique a Lourdes,
envoyat un peloton de gendarmerie departementale a son secours. Le
changement d'arome depista assez les chiens pour que la marechaussee
n'eut pas a sabrer les delinquants qui firent une retraite en bon ordre
et rentrerent tranquillement chez eux, la queue en trompette, sans en
sonner,
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