s l'ame du
Palais-Royal, son ame vibrante et vaguement guerriere ou passent des
souvenirs de liberte, c'est son canon, ce petit canon dont le soleil,
ramasse dans une lentille, vient piquer la lumiere a midi, et qui part
avec un bruit de coup de fouet dont les oreilles sont cinglees.
Or, l'importance de ce petit canon, dans le monde astronomique, est
capitale, tout simplement.
[Illustration: fig33.png]
Ici se place une revelation qui m'est douloureuse, etant donne mes
anciennes relations de camaraderie connues avec le personnel des savants
de ma generation. Vous croyez peut-etre que ceux de ces messieurs qui, a
quelque pas de Bullier, sont censes bombarder le ciel de regards
indiscrets, avec leurs puissantes lorgnettes pareilles a des pieces
d'artillerie, se donnent ensuite un mal infini pour nous procurer, a
l'aide de calculs infinitesimaux, ce qu'on est convenu d'appeler l'heure
de l'Observatoire? C'est une illusion qu'il faut que je vous enleve
apres tant d'autres. Mais la vie est comme un grand arbre dont les
feuilles doivent tomber, une a une, sous les souffles impitoyables de la
Sagesse et du Destin. C'est aussi comme un chapelet qui s'egrene, comme
un vase qui se vide, comme une fleur qui s'evapore. Maintenant que j'ai
dissimule l'horreur du coup sous quelques images nouvelles, apprenez
qu'un de ces princes de la science vient tout simplement dejeuner au
cafe Corazza ou chez Vefour (de deux jours l'un, pour ne pas faire
de jaloux). Quand le petit canon part, il met son chronometre sur la
douzieme heure, entre une douzaine d'huitres et son premier verre de
chablis-moutonne. Ca evite a tout le monde un grand maniement de tables
de logarithmes, sans compter l'usure des lunettes. Et c'est comme ca
depuis dix ans. Et M. Dujardin-Beaumetz, lui-meme, a respecte le
budget de l'Observatoire! Eh bien, quoi? Les huitres fraiches et le
chablis-moutonne ont bien leur prix et ne se donnent pas pour rien dans
les restaurants.
Que je change de nom avec l'editeur Schott--ce qui me vexerait
beaucoup--si je mens d'un mot dans ce recit!
Il me faut cependant mentir un peu en appelant Mme Antoine la nouvelle
Eve, cause de tous les maux de l'humanite citadine, campagnarde et
balneaire durant cet ete de malheur. Je m'exposerais a un bon proces
en diffamation en vous revelant le nom veritable de cette jolie
boutiquiere--une bijoutiere, s'il vous plait,--que la vie sedentaire et
volontiers assise a dotee d'un adorable embonpoin
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