t et merveilleusement
place. Sachez seulement qu'en aucune, le charme bourgeois des dames de
commerce ne s'allie avec une distinction naturelle plus parfaite. C'est
un sourire vivant, et aux dents tres blanches, monte, comme une pierre
precieuse, sur un vrai tresor de graces opulentes et charnelles, tout
cela enveloppe d'une grande bonne tenue et d'un petit air effarouche
au besoin, quand le client s'enhardit plus qu'il ne conviendrait.
Etonnez-vous, apres cela, si vous voulez, que le commandant
Brusquembille, dont j'altere aussi volontairement le nom, soit amoureux
fou de cette seduisante creature et passe le meilleur de son temps en
allees et venues devant la boutique dont Mme Antoine est certainement
le plus beau bijou. L'amour rend volontiers observateur. Aussi le
commandant Brusquembille avait-il vite remarque que M. Antoine, le mari
de celle qu'il aimait, attendait, tous les matins, le coup de canon du
Palais-Royal pour commencer une petite promenade hygienique d'une heure
qu'il faisait apres son dejeuner. Car tous les evenements des hotes de
la vie de ce beau jardin sont regles plus ou moins par cette
petite detonation quotidienne. D'aucuns, en attendent le rappel a
l'accomplissement de certains devoirs, ce qui fait que les dames du
Palais-Royal ont autrefois petitionne pour qu'il y eut aussi un canon de
nuit. Les senateurs qui sont generalement de vieux birbes, tenant a leur
sommeil, les ont joliment envoyees promener.
Mais l'Amour rend aussi ingenieux. Le commandant Brusquembille concut
immediatement le plan de faire parler le canon un quart d'heure
avant que le soleil lui pretat sa meche accoutumee. En donnant des
distractions et en bourrant de consommations le vieux brave qui charge,
tous les jours, la minuscule couleuvrine, il parvint a glisser, dans la
lumiere, une autre meche dont il avait mesure la duree avec la prudence
et la science d'un mineur. Et pan! le canon tonna quinze minutes a
l'avance. M. Antoine sortit, pour sa promenade hygienique, un quart
d'heure plus tot, et l'entreprenant commandant alla tomber aux pieds de
Mme Antoine, encore en train de grignoter son dessert et plus delicieuse
a voir que jamais, decortiquant des noix fraiches, du bout de ses petits
doigts grassouillets et roses.
Ce qu'il en fut, apres, de l'honneur de ce bijoutier, je m'en moque. Ce
sont choses ou je ne fourre pas mon nez.
Mais les consequences de cette fantaisie amoureuse d'un militaire furent
incommensurables. D
|