imere impossible. Entre d'insuffisantes realites,
il demeure solitaire et perdu dans son reve. C'est bien triste, en
verite.
Et quelle lecon! Eternelle, et qui prouve bien que le manque de gout, et
l'absence de sentiment d'art sont le grand peril social, la source de
tous les maux, le chemin de tous les crimes.
CHABIROU
[Illustration: fig12.png]
CHABIROU
I
Ce n'etait pas sans une grande melancolie que M. Campistrol meditait sur
la sottise qu'il avait faite en se remariant. Le _non bis in idem_ latin
lui apparaissait comme la plus sage devise du monde. Sa premiere femme,
Honorine, l'avait manifestement trompe; mais elle etait jolie, ce
qui lui donnait les circonstances attenuantes de la tentation et des
hommages, et, de plus, elle avait un caractere charmant et cet esprit de
justice qui cherche, en pareil cas, les compensations dans une grande
egalite d'humeur. La seconde, Henriette, etait de charmes moins
evidents, plutot malaisee a vivre qu'aimable, et il venait de decouvrir
que, vraisemblablement, elle le trompait aussi.
Le parallele entre sa vie passee et sa vie presente ne donnait donc lieu
qu'a des rapprochements deplaisants. Ce pendant que l'epouse en activite
de service dormait tranquillement, apres une scene de jalousie qui avait
dure la moitie de la nuit, et lui avait mis, a lui, les nerfs dans un
etat epouvantable, il descendit, au petit matin, dans son jardin pour
y puiser, dans le reveil de la nature, un element d'apaisement et de
consolation. C'etait en un temps comme celui-ci ou les aubes se hatent,
emmitouflees d'abord de brouillards roses, puis rougissantes comme un
champ de cerises, vers des journees chaudes invitant les plus actifs aux
siestes meridiennes. M. Campistrol, comme tous les malheureux, aimait
les fleurs: il lui sembla que ses roses avaient un regard triste et
compatissant, et c'est a une instinctive pitie qu'il attribua le pleur
tremblant au fond de leurs corolles. Les grands lys penches semblaient,
aussi, fraternels douloureusement a sa peine et il n'est pas jusqu'aux
pensees, en leur parterre de velours qui ne lui parussent sympathiques
a son chagrin. De cette grande misericorde des choses, infiniment
meilleures assurement que les hommes, il savoura lentement la douceur,
marchant a petits pas sur le sable des allees, et s'arretant a regarder
les bourdons s'enfouir dans les calices et se rouler dans l'or des
etamines.
Il descendit ainsi jusqu'a la petite riviere
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